lundi, mars 28, 2005

"c'est toi qui le dis"...

Catherine Lestang.

Quand on lit les différentes passions les réponses de Jésus "c'est toi qui le dis", que ce soit à Judas : "rabbi est ce moi qui vais te trahir"ou à Pilate: "es tu le roi des juifs" me laissent perplexe.

Cela peut s' entendre comme "c'est toi qui le dis, mais moi je n'ai rien dis de tel", mais ce n'est guère satisfaisant.

A quoi correspond cette affirmation?

Mais dans le parler courant,il y a la phrase:" si c'est vous qui le dîtes" alors, peut-être que...
Il y a un si qui ouvre. Et cela me permet aujourd'hui d'entendre peut-être autrement...

Es-tu le roi? Si c'est toi qui le dis, peut-être que oui, peut-être que non l'avenir le dira. Et cette ouverture sur un futur me plaît...

vendredi, mars 18, 2005

" La tentation au désert" Matthieu 4, 1-11:

Catherine Lestang

18/03/2005

A propos de « la tentation » dans Mat 4/1-11.

La question que je me pose est celle du héros, et là je fais référence au livre de Wladimir Propp, « morphologie des contes de fées ». Je veux dire, que Jésus après le baptême, qui peut être entendu comme une première étape, avec une révélation de son rôle : la colombe qui apparaît comme lors de l’alliance noachique, la voix, comme lors de l’alliance mosaïque, est conduit dans un lieu de mort (parce que le désert c’est aussi cela) et que des épreuves vont se présenter à lui.

On peut donc comme le montre Propp, interpréter ces tentations comme des épreuves d’une initiation. Ici, ce n’est peut-être pas le « pas dormir » qui est en cause, mais le « pas manger » ce qui revient au même, puisque « ne pas manger » conduit à la mort, et que ce « pas manger » est très chargé symboliquement. A la fois c’est le premier interdit donné dans le livre de la Genèse : ne pas manger « tout » et c’est la cause des conflits sans fin entre Moïse, et le peuple, dans le désert.

Jésus en ce lieu, doit prendre conscience de qui il est réellement, pour devenir celui qu’on appellera le sauveur de l’humanité.

Que ces épreuves soient « portées » par Satan, est en soit logique, il faut bien que ce soit un personnage externe qui « provoque » pour savoir comme le héros va s’en sortir.

Va-t-il ou non faillir ? Va-t-il ou non se laisser tenter et de fait mourir, même si ce qui lui est proposé a les couleurs de la réussite ?

Par ailleurs, quelle que soit la durée réelle du temps de jeune de Jésus, on peut admettre que physiquement, il ait vécu des sortes d’hallucinations, mais pas n’importe lesquelles.

La première touche à la faim, qui est un besoin au sens fort du terme. Et qui d’entre nous n’a pas rêvé soit d’être délivré de ce besoin, soit d’avoir toujours de quoi manger, puisque manger c’est vivre. Et il y a des représentations du paradis, celles qui le rapprochent d’un utérus ou d’un sein maternel toujours disponible, qui vont bien dans ce sens là. Ici, ce qui est mis en avant c’est le pouvoir sur les lois de cet univers : « dis à ce pierres de se transformer en pain… ». C’est faire comme Dieu qui a nourrit le peuple dans le désert, c’est se faire dieu, c’est être dans la toute puissance, cette toute puissance infantile où tout ce que l’on veut se crée (parce que la mère est là pour le créer à votre place, mais il faut du temps pour accepter de perdre cette relation au monde). C’est une espèce de régression fantastique à laquelle Jésus est confronté et qu’il refuse : « l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». Passer à la parole c’est sortir du lien de fusion, de la confusion qui reste toujours possible.

La première tentation pourrait alors s’entendre comme : veux tu régresser et avoir tout à ta disposition, mais (et bien entendu cela est tu) si tu fais cela, d’une certaine manière tu te perds, car tu retournes dans une relation maternelle qui ne permettra pas d’être autonome, contrairement à ce que tu pourrais croire.

Et être délivré de la faim, n’est pas aussi se séparer de son corps, être plus fort que lui, le maîtriser et on revient à ces caractéristiques des anorexiques, pour lesquels le corps est mauvais…

La seconde, touche à autre chose, le désir de voler, le désir d’être plus fort que les lois de ce monde qui sont régies par la pesanteur. Pour Freud, le désir de voler dans les rêves, touche à la sexualité : le phallus dressé, érigé, en signe de puissance. Etre assujetti aux lois de ce monde comme un tout à chacun alors qu’il serait si simple de s’en abstraire.

Etre un homme volant, qui d’entre nous n’a pas fait ce rêve, qui est celui d’Icare, qui est aussi être un peu comme un Dieu. La tentation dit : « Il a donné ordre à ses anges pour qu’à la pierre ton pied ne heurte ». Et des pierres dans ce désert, il en a, des pierres qui peuvent se transformer en pain, des pierres, qui peuvent heurter, blesser, lapider aussi.

D’une certaine manière, c’est éviter la mort, voler, et être comme immortel. Etre Dieu.

Là encore Jésus ne tombe pas dans le panneau, homme il est, homme il reste, et il ne se prend ni pour un ange, ni pour Dieu. Cette pseudo toute puissance n’est pas pour lui. Sa réponse est cohérente « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu ».

La troisième, elle c’est la toute puissance au sens fort du terme : posséder la terre, être le chef. Mais dans notre monde, ceci ne peut se faire que par la violence, car il faut aussi se maintenir au pouvoir, donc en permanence, violer des lois, être dans la convoitise.

La convoitise c’est le péché fondamental de l’humain, avoir et avoir toujours plus sans se préoccuper de l’autre, nié dans sa dimension humaine). De cette toute puissance là, Jésus qui pourtant dans l’évangile de Matthieu a été reconnu comme un roi par les sages, ne veut pas, car ce n’est cela qui fera de lui le « messie ».

Ces tentations jouent donc sur la maîtrise du corps, la maîtrise des lois de la nature et la maîtrise des autres. Le fait de renoncer à ces pseudos pouvoirs, qui de fait mènent à la mort, permet à Jésus d’entamer son rôle de héros.

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jeudi, mars 10, 2005

Qui parle... Qui fait -on parler Ex 32/7-14

En lisant ce texte de l'exode, il m'est venu une idée curieuse.

En effet, c'estYahvé qui prévient Moïse que des choses "pas très catholiques" se jouent en bas, et c'est Lui qui veut tout détruire. C'est la prière de Moïse qui empêche l'éradication du peuple, qui suspend la "colère".

Moïse intercède beaucoup, il est un peu le prototype de "pontife", qui fait le lien.

Je cite le texte:

Le Seigneur lui dit : « Va, descends, ton peuple s'est perverti, lui que tu as fait monter du pays d'Égypte.
Ils n'auront pas mis longtemps à quitter le chemin que je leur avais prescrit ! Ils se sont fabriqué un veau en métal fondu. Ils se sont prosternés devant lui, ils lui ont offert des sacrifices en proclamant : 'Israël, voici tes dieux, qui t'ont fait monter du pays d'Égypte.' »

Le Seigneur dit encore à Moïse : « Je vois que ce peuple est un peuple à la tête dure.
Maintenant, laisse-moi faire ; ma colère va s'enflammer contre eux et je vais les engloutir ! Mais, de toi, je ferai une grande nation. »

Moïse apaisa le visage du Seigneur son Dieu en disant : « Pourquoi, Seigneur, ta colère s'enflammerait-elle contre ton peuple, que tu as fait sortir du pays d'Égypte par la vigueur de ton bras et la puissance de ta main?

Pourquoi donner aux Égyptiens l'occasion de dire : 'C'est par méchanceté qu'il les a fait sortir ; il voulait les exterminer dans les montagnes et les balayer de la surface de la terre' ? Reviens de l'ardeur de ta colère, renonce au mal que tu veux faire à ton peuple.

Souviens-toi de tes serviteurs, Abraham, Isaac et Jacob, à qui tu as juré par toi-même : 'Je rendrai votre descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel, je donnerai à vos descendants tout ce pays que j'avais promis, et il sera pour toujours leur héritage.' »

Le Seigneur renonça au mal qu'il avait voulu faire à son peuple."

Or, l'idée qui est là, c'est que quand Moïse redescend et trouve le peuple en train de se divertir, (et ce détournement vers un autre dieu sera le prototype du comportement des rois qui gouverneront Israël et Juda), c'est lui qui vit une immense déception, c'est lui qui a envie de tuer ce peuple.


Après tout, il a bien tué un égyptien autrefois.

Et c'est sa propre déssillusion, qui provoque la violence, projetée alors sur Dieu qui par définition doit être un Dieu devant lequel il est impossible de résister, de se rebeller.
Dieu, devient un Dieu violent, destructeur. Mais ce Dieu là, n'est Il pas à notre image à nous, à notre ressemblance?

Est ce là vraiment Dieu? certes ce Dieu là est le Dieu de l'Exode, celui qui a fait sortir son peuple de l'esclavage, mais ce Dieu violent, tonnant, rugissant ,est il le Tout Autre ou une projection de notre propre violence?

Car, cette violence qui nait en nous quand quelqu'un fait le contraire de ce que nous avions prévu (pour son bien) qui peut la nier?
Cela c'est la réaction humaine à l'état brut. Détruire ce qui résiste.
Puis, heureusement un deuxième temps presque simultané en général arrive: la réflexion.
Si je le tue, qu'est ce qu'on va penser de moi? Surmoi dirait Freud...
Et puis, "ce n'est peut-être pas totalement de sa faute". Mais je vais lui apprendre à ne pas recommencer...
Et c'est bien ce que raconte la suite du texte, que ce soit la poussière d'or que le peuple doit avaler ou la mise à mort par les lévites des 3000 opposants.

Cette projection de notre comportement sur Dieu,- ce qui est facile et peut-être "normal" à certaines époques tant historiques que dans notre propre évolution-, montre à quel point il est facile de créer un Dieu à notre image, un Dieu de violence,de destruction, un Dieu coléreux, susceptible, terrible.

Or aujourd'hui, je crois que derrière ce Dieu du premier testament, il y a déjà en filigrane le Dieu de second testament, "le fils", qui ne répondra pas à la violence par la violence, parce que ce n'est pas comme cela qu'Il pourra asseoir son autorité.



Peut-être que le Moïse qui contemple la "gloire " de Yahvé dans le creux de la grotte, apprend alors que son Dieu n'est pas un dieu de violence, mais un Dieu amoureux. Et c'est de cet amour que rayonnera son visage...