jeudi, avril 28, 2005

"Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas"

Catherine Lestang

Interdit… Vous avez dit interdit ?

"Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas"…

VERSION LONGUE

1 Préalables.

Les premiers chapitres de la Genèse sont considérés comme des chapitres à portée universelle. Nous sommes encore totalement tributaires de ces récits qui racontent l’histoire d’un homme (d’un couple) crée parfait et qui par sa désobéissance fut chassé d’un lieu appelé Eden (paradis), où tout était à lui, sauf un arbre celui de la connaissance du bon et du mauvais. Même si nous savons, que cet homme là est un homme mythique, qu’il n’a pas pu sortir ainsi « prêt à l’emploi », parce que l’histoire de l’humanité est une histoire progressive et que l’animalité en nous reste très présente, il n’en demeure pas moins, que même si on ne parle plus du péché originel mais du péché des origines, nous traînons cette culpabilité d’avoir désobéi et de devoir le payer.

Bien des chants, bien des textes de la messe, sont centrés sur la colère de Dieu qu’il faut apaiser. Cette colère étant générée par la désobéissance de l’homme à l’ordre divin. Elle est toujours capable de se réveiller, malgré le don total de son fils jésus, homme parfait.

Cependant cette non perfection elle est en nous depuis nos origines. Pour survivre, il a certainement fallu tuer. Simplement au cours des âges, un temps est arrivé pour l’homme, où compte tenu de son évolution et de son emprise sur l’environnement, d’autres possibles se sont ouverts pour vivre en société et pour laisser vivre « la douceur » antidote de la violence. Et puis, ne pas être parfait crée aussi le désir d’être parfait et cela est positif ! Les religions s’appuient aussi sur ce désir de chaque humain.

Avant de repenser ce qui peut être entendu aujourd’hui de cet interdit, je voudrai commenter librement certains versets de Genèse 2 et 3. Quand j’écris librement, il s’agit de l’approche qui est la mienne, c'est-à-dire une approche psychologique, voire psychanalytique.

2 Des commentaires.

Gn2/9

Yahvé fit pousser du sol toute espèce d’arbres séduisants à manger. Et l’arbre de vie au milieu du jardin et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

A mes yeux, l’arbre de la vie, est un arbre très enviable. C’est « ne pas mourir » ou mourir quant on le souhaite, quand réellement on ne veut plus vivre, quand on a la certitude d’avoir fait son temps. L’immortalité est en général l’apanage des dieux et le désir de l’homme c’est soit de s’emparer de cet aliment (qu’il soit fruit ou boisson), soit de durer dans le temps par la procréation et dans l’espace par la possession. C’est d’ailleurs comme cela que l’on peut entendre la promesse faite à Abraham : avoir une descendance que l’on ne peut compter et une terre.

Quant à la connaissance du bien et du mal, du bon et du mauvais, c’est autre chose. Quand on est enfant, on croit que les parents qui autorisent et interdisent, ont ce savoir là, et que souvent ils l’exercent pour « leur plaisir » et que ces « non » n’ont pas leur raison d’être et qu’ils n’y connaissent rien ! C’est un premier aspect de la connaissance. Mais il y en a un autre. Avec la découverte de sa propre sexualité, l’enfant comprend que ses parents ont un savoir qui ne lui appartient pas, et que ce qui se passe entre eux est « bon » et qu’il voudrait bien savoir ce que c’est et le faire. Ce que je veux dire, c’est que cette connaissance touche aussi bien à la vie en société avec ses règles (variables d’une société à l’autre) qu’à la sexualité.

Quand certains auteurs écrivent que la sexualité et même l’initiation par le biais du serpent (avec la symbolique phallique de cet animal qui de surcroît de par sa mue peut sembler immortel) est le « fruit défendu », ils touchent à une certaine réalité. L’accès à la sexualité fait sortir de l’enfance et du sommeil pulsionnel, et par certains côtés Adam semble un « endormi ». Dans beaucoup de religions « l’éveil » est essentiel. Et l’ouverture des yeux qui suit la « transgression » est de cet l’ordre. Ces deux arbres sont donc très chargés de sens et de fait très désirables et objets de convoitise, car ils sont des attributs des deux..

Gn2/16

Et Yahvé fit à l’homme ce commandement : Tu peux manger de tous les arbres de ce jardin. Mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal Tu ne mangeras pas, car le jour où tu en mangeras,tu mourras. Ou comme le traduit A.Chouraqui: «Oui, du jour où tu en mangeras, tu mourras, tu mourras »

Actuellement les commentaires qui portent sur ce commandement, insistent sur la notion d’interdit : ne pas tout manger… Seulement il ne s’agit pas de ne pas dévorer tous les autres arbres (là on ne parle plus de fruit), mais de renoncer à un arbre qui est la source de l’envie, car c’est l’arbre qui fait d’une certaine manière sortir de l’enfance, qui permet non pas de devenir le parent, mais comme le parent. Alors la menace est énorme : la peine de mort, Comme si être le parent signait son propre arrêt de mort ! Si le fils veut prendre la place du père, alors il va mourir… On retombe la dans la problématique de « totem et tabou » de Freud.

Gn3/1

Le serpent dit à la femme, « Alors Dieu a dit : vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? » La femme répondit : « Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin. Mais du fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sous peine de mort ».

Là, on ne sait plus bien de quel arbre il s’agit : arbre au milieu du jardin. Mais il s’y greffe un autre interdit : ne pas toucher. Ne pas toucher c’est certes maintenir à distance mais la question est pourquoi la femme transforme t elle partiellement l’interdit initial. Cela fait un peu penser à ces clôtures électrifiées avec une tête de mort : attention danger. Et c’est là aussi que le serpent va introduire le doute: « mais si, tu peux toucher et tu vas voir qu’on t’avait raconté des histoires, il ne t’arrivera rien ». En général quand un petit enfant touche un objet, c’est pour le porter à la bouche et voir si c’est comestible ou non. C’est aussi pour apprendre à la connaître. Pour aller au goûter, il nous faut passer par le toucher.

Le serpent répliqua à la femme: « Pas du tout, vous ne mourrez pas. Mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal ».

La convoitise est exacerbée par le serpent, qui suggère que ce fruit permet d’être comme des dieux». Il est trop malin pour dire : vous serez Dieu, parce que Eve aurait certainement pris peur devant une telle affirmation. Il se contente du comme, qui va jouer son rôle et créer le besoin. Simplement dans notre univers, le fait de devenir « comme » se fait dans le temps et à travers un certain apprentissage, par essais erreurs et par une transformation progressive du corps, Cette transformation physique qui s’accompagne d’une transformation des processus intellectuels et affectifs, permet de réaliser ce désir, sans pour autant « tuer » l’autre, le couple parental pour simplifier. Il y a une nuance très importante entre être Dieu ou être comme des Dieux… Mais quand on veut inciter l’autre à transgresser, il faut être malin et utiliser correctement le langage comme un appât.

La femme vit que l’arbre était bon à manger et séduisant à voir et qu’il était cet arbre désirable pour acquérir le discernement. Elle prit de son fruit et mangea

Peut-être que là, il se passe quelque chose que nous connaissons bien : on voit l’enveloppe, l’extérieur, le contenant, et on imagine que le contenant et le contenu sont identiques ; et on est dans une certaine confusion entre le dedans et le dehors. Mais ces expériences là, sont pour l’humain, qui contrairement à ce que dit la genèse n’est pas un être « parfait », fondamentales, ou fondatrices, parce qu’il faut passer par ces erreurs pour pouvoir d’une certaine manière accepter l’interdit.

Il ne s’agit pas de « ne pas manger tout », mais de « ne pas se jeter sur », de « ne pas s’approprier » quelque chose quand on n’est pas en mesure de le comprendre, de l’intérioriser. Il s’agit aussi d’apprendre que certaines choses bonnes rendent malade et que d’autres mauvaises au goût sont bénéfiques et peuvent même guérir de la maladie. Mais pour cela il faut en général un guide et lui faire confiance.

Si la connaissance du bien et sont des attributs de dieu, il est normal que l’humain qui dérobe, qui vole ce qui de fait est à la base de toute civilisation, soit mis à la porte. D’une certaine manière, le bien et le mal ce peut être tout le système qui va régir la vie sociale. C’est pouvoir s’ériger en juge et avoir aussi pouvoir de vie ou de mort sur le prochain. C’est la punition normale de tout humain qui s’approprie un savoir qui permet à l’homme de se civiliser, de s’humaniser. C’est le cas de Prométhée et le feu c’est la sortie de l’animalité et le début de la culture.

3 A propos de l’interdit.

Recentrons nous maintenant sur l’interdit. La plupart des auteurs qui commentent aujourd’hui ces textes, insistent sur la notion d’interdit et sur l’impact positif de l’interdit sur l’homme. L’interdit permettant d’une certaine manière l’humanisation de l’être humain, vu comme « pécheur ». L’interdit fonctionne en tant que limite. Il crée une césure. Ce qui est alors sous jacent à ce premier interdit biblique, ce serait l’interdit de ne pas « tout »manger, « tout » consommer, « tout » dévorer et en particulier l’autre. Il s’agit bien d’un interdit au niveau de l’oralité. Or tout interdit au niveau de l’oralité est une limite au cannibalisme et au désir primaire d’incorporation, désir que l’on retrouvera quand même, mais sublimé dans l’eucharistie.

Mais il me semble que dans la Genèse, il ne s’agit pas d’un interdit global sur l’oralité, mais d’une interdiction très particulière concernant « la connaissance du bien et du mal », et dont la transgression conduit à la mort, puisque le « tu mourras » est répété deux fois.

Or cet interdit résonne en moi en parallèle avec l’interdit de l’inceste dans nos sociétés patriarcales, interdit qui s’énonce : « toutes les femmes sauf ta mère » ou « tous les hommes sauf ton père » ou encore « toutes les filles ou tous fils sauf la tienne », encore que là dans la société, épouser quelqu’un de plus jeune que soi, ait très mauvaise réputation ! Mais ceci pose la question du rôle de l’interdit. Dans le cas de l’interdit de l’inceste, on peut dire que cela fonde d’une part la société patriarcale et d’autre part, - et c’est me semble t il le point important- empêche la confusion des générations au sein d’une même famille ou d’un même clan. Cette non confusion est indispensable pour s’y reconnaître dans les liens de parenté et donc dans la vie sociale. C’est un interdit à valeur culturelle fondamentale.

Dans l’interdit de la genèse, de quoi s’agit il, quelle confusion faut il éradiquer ? La connaissance du bien et du mal dit le serpent, vous fera être « comme des dieux ». Or il est si facile de passer « à être comme des dieux », à « être Dieu ». Car être Dieu c’est, basculer dans la tentation de la toute puissance au sens fort du terme. Je veux dire qu’il faut différencier ce que l’on appelle le fantasme de toute puissance du bébé, fantasme indispensable à la naissance de sa vie psychique, de ce que certains appellent l’hybris, avec la tentation de l’appropriation de l’autre et/ou de sa destruction pour son propre plaisir. Ce qui sous tend cet hybris, c’est la convoitise et en deçà l’envie, qui elle est meurtrière.

Comme dans l’interdit de l’inceste, le risque est celui d’une confusion. Dans les espaces qui sont l’espace du divin (Dieu) et l’humain (la terre) il y a confusion, ce qui est d’ailleurs l’inverse de ce qui est conté dans le premier récit de la création. En fait ce qui est demandé c’est de reconnaître que dans l’ordre de la création, Dieu a une place, l’homme en a une autre, et la distance entre les deux doit être maintenue, pour qu’il n’y ait ni fusion, ni confusion. Cela ne veut pas dire qu’il ne puisse y avoir un entre deux, comme l’intersection d’espaces en mathématiques modernes, mais rentrer dans l’espace de l’Autre c’est annuler la différence, ce n’est plus reconnaître l’Altérité, et ce peut aller jusqu’à le dévorer en prenant sa place.

Il y a aussi une autre valence : dans notre mentalité être Dieu, c’est faire ce que l’on veut, c’est aussi laisser libre cours à la convoitise et la convoitise est bien le moteur du mauvais en nous. L’interdit peut à la fois éviter la confusion et le divin et l’humain mais aussi permettre de considérer la convoitise comme un mal.

Mais pour ne pas transgresser cet interdit, il aurait fallu que l’humain ait atteint un état de développement qui ne semble pas avoir été le sien et qui encore aujourd’hui est loin d’avoir été atteint. Mais, en tout humain, il y a un appel à la sainteté, c'est-à-dire à un dépassement de l’animalité, qui rend capable d’accéder à un autre ordre, pour entrer dans une filiation avec Dieu, donc d’une certaine manière entrer dans cet espace qui n’est pas le notre mais qui pourra le devenir.

4-De l’obéissance passive et craintive à l’obéissance active et aimante.

L’humain est en devenir. Il est non parfait, mais perfectible. Et le désir de la perfection est en lui, non comme un état perdu (sauf si l’on fait référence au vécu in utéro), mais comme un état à acquérir et le but de l’interdit de la genèse était peut-être de lui donner un moyen en maintenant une limite à ses désirs de prise de possession des attributs de Dieu, de devenir humain au sens fort de terme, c'est-à-dire capable d’entrer en relation sans vouloir détruire, posséder ou mettre à mal et de développer en lui ce que l’on appelle l’amour. En d’autres termes, avoir donné cet interdit, était un moyen de sortir de l’animalité pour aller vers l’humanité. De ce fait, il peut être considéré comme universel.

Mais l’autre difficulté liée à ce texte est celle de la désobéissance, et de la punition. Or nous traînons aujourd’hui, comme un boulet cette notion d’homme perverti depuis les origines par un refus d’obéissance. Peut-être faut il poser les choses autrement, compte tenu de ce que nous savons sur l’origine de l’homme. On peut imaginer que la notion de Dieu s’est imposée petit à petit. Elle est liée au développement cérébral et à des modes de vie qui ont permis une certaine sécurité. L’intérêt de la genèse est de montrer comme à un moment donné, une représentation de Dieu a pu se faire et comme cette représentation a petit à petit structuré tout un peuple, le peuple « élu ».

C’est là que pour moi, intervient la notion de l’obéissance, mais pas n’importe laquelle. Quand un enfant vient au monde, au plus profond de lui, les deux arbres sont là : désir de vivre indéfiniment, désir de tout connaître. Petit à petit, il apprend à différer son désir, à accepter ce que les psy appellent la frustration. Mais cela se fait dans la relation d’amour qui le lie à ses parents. On obéit à l’autre quand il existe une relation de confiance. L’obéissance devient un moyen de concrétiser une relation d’amour et c’est cela que Jésus vient montrer comme un possible pour les hommes non parfaits -compte tenu de notre hérédité-, que nous sommes.

Si Adam n’a pas respecté l’interdit proposé, c’est peut-être parce que la relation d’obéissance demandée ne pouvait être entendue que comme une obéissance passive au supposé désir de l’autre de tout conserver par devers lui. Et la transgression était de fait inévitable. Quand Jésus parle d’obéissance en ce qui le concerne, il ne s’agit pas d’obéir pour obéir, mais d’abord et avant tout d’aimer, d’aimer jusqu’à donner sa vie. Car si Jésus possède la vie éternelle et le discernement, c’est bien parce qu’il a été capable non pas uniquement d’obéissance, mais d’obéissance amoureuse, ce qui change complètement les choses. Mais on peut dire aussi que par sa double nature, Jésus a été le trait d’union manquant entre les deux univers, et que désormais, parce qu’Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort et la mort sur une croix, alors la vie éternelle et le discernement (don de l’Esprit) sont accessibles à tous et c’est peut-être cela le salut. Le salut étant la possibilité pour l’homme d’entrer dans cet autre espace fondé sur l’amour.

En guise de conclusion.

Dans le premier livre des rois, il est rapporté que Salomon demande à Yahwé le discernement, la capacité de juger le bien et le mal. Et cela lui est accordé. Jésus en rétablissant d’une certaine manière la circulation entre le divin et le terrestre, (l’alliance peut s’entendre comme cela), a peut-être rendu caduque cet interdit.

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mardi, avril 12, 2005

Les disciples d’Emmaüs.

Les disciples d’Emmaüs. Luc 24/13-33 .
« Notre cœur n’était il pas tout brûlant au-dedans de nous quand il nous parlait en chemin et nous expliquait les écritures ».

Deux hommes, enfermés dans le souvenir de ce qu’ils viennent de vivre, deux hommes traumatisés par la fin du rêve, la perte des illusions, peut-être aussi deux hommes qui ont peur.
On dit que ce peut être un homme et une femme. Cela ne change pas grand-chose. Ils sont enfermés dans leur silence, dans leur tristesse, dans leur souffrance.
Ils cheminent, ils sont comme murés dans leur souffrance, dans leur déception.Des mots, mais quels mots?

Un autre alors les rejoint. Leur parle, et voilà que le rythme change : ils marchaient un peu en somnabules et voilà une rupture : ils s’arrêtent.
Quand la tristesse est trop grande pour pouvoir en sortir seul la présence et le questionnement d’un tiers, peut permettre de sortir de l’isolement, de la « prison ».

L’autre interroge, pose des questions et permet certainement que des mots soient dits.
Car là au travers de l’histoire qu’ils racontent, on sent bien la désillusion, et cela à beaucoup de niveaux. Car comment faire maintenant confiance en ceux qui ont le pouvoir, les prêtres, alors qu’ils ont machiné la mort du juste… Comment faire confiance en Jésus, même si on ne trouve plus son corps, puisque de toutes les manières il s’est fait avoir, il ne s’est pas montré comme le messie attendu par Israël. Comment retrouver confiance en soi quand tout s’effondre ?

Alors maintenant, l’autre parce qu’il s’est fait oreille, peut se faire parole, donner du sens à ce qui semble être le non sens.

Alors la vie recommence un peu à circuler. Et voilà que l’heure de se séparer arrive, puisque personne ne sait où va l’autre, le troisième, le sans nom. La demande jaillit : " reste avec nous". Bien sûr, elle est comme sous tendue par le bon sens : il va faire nuit. La demande est normale, mais elle n’a pu se faire que parce que les deux se sont sentis reconnus, entendus, compris. Certains disent que la faim est un signe de vie. Car une autre demande se greffe " mange avec nous".

Et là dans le repas qui va commencer, il y a une reconnaissance ou une connaissance qui se fait.
Est-ce le geste, est ce la parole dite, est ce quelque chose d’autre, car le corps montré par cet homme n’est pas le corps avec des marques du crucifixion. Cela nous ne le savons pas.
Mais celui là, ce n’est pas n’importe qui. Celui là, il a un nom, celui là, il leur a fait quelque chose au-dedans. Celui là, c’est celui que leur cœur aime. Celui là c’est « Jésus le ressuscité ».

Non, la résurrection, ce n’était pas une histoire de bonnes femmes.

Et cet homme qui était dehors avec eux, qui était en dehors d’eux, cet homme qui ne savait pas ce qui s’était passé à Jérusalem, il passe au-dedans d’eux,on peut presque dire qu’il s’incarne en eux. Et il disparaît à leurs yeux, mais pas à leur cœur. Leur cœur devient brûlant
Passage du dehors au-dedans. Passage du dedans au dehors.

Leur cœur brûle, comme le buisson ardent brûle sans se consumer, comme si le feu de la Pentecôte était déjà là.

Mais on peut se poser une question sur cette sensation de brûlure. Dans les mécanismes qui structurent le bébé, il y a celui de l’identification. La mère extérieure petit à petit crée comme une trace dans le psychisme et certaines de ses caractéristiques sont intériorisées. C’est quand ces caractéristiques sont bien intégrées que la mère peut s’absenter, car à l’intérieur de l’enfant il perdure une présence.
Et je me demande si ce qui commence à vivre en eux, ce n’est pas le cœur de Jésus qui est dit "brûlant" d’amour. Et ils deviennent alors des figures du Christ, des témoins, des vivants.

mardi, avril 05, 2005

La lapidation comme procédé de mise à mort

Catherine Lestang.

La lapidation semble être un procédé de mise à mort utilisé depuis toujours. Pour nous, il est choquant.

Mais si on suppose que Dieu est la source de la vie de l'homme, (ceci étant une conception théologique), si l'homme fait des choses "mauvaises" alors la source devient impure, risque de contaminer les autres, et il faut la tarir.

Et pour tarir une source ou un point d'eau, le plus simple c'est de boucher en remplissant de pierres.

Les puits bouchés se retrouvent dans tout l'ancien testament... Priver l'autre d'eau c'est bien le condamner à mort, dans un pays où l'eau est denrée rare.

Quand Jésus dit à la samaritaine: " si tu me l'avais demandé... je t'aurais donné de l'eau vive,.. Elle serait devenue source d'eau jaillissant en vie éternelle",il propose un changement radical. Il n'y a plus de jugement (malgré les 5 maris, malgré l'appartenance à la Samarie ).

L'impur n'a plus besoin d'être supprimé, empierré, il ne fait plus peur, il peut être vivifié, transformé, restauré.

vendredi, avril 01, 2005

Jésus, l'homme à l'accent de Galilée...

Catherine Lestang

Jésus Le bouseux , ou Jésus Le péquenot.

Pourquoi ce titre un peu provocateur ? Parce que en écoutant la passion selon St Matthieu et plus précisément ce que l’on appelle le « reniement de Pierre », il m’a semblé que l’accent de Pierre était identifiable et que Jésus, qui comme lui était galiléen, devait avoir le même, peut-être « moins à couper au couteau », mais accent qui montrait qu’il n’était pas de Jérusalem.

Bien sûr, nous nous savons par la tradition et par les discours de Pierre après la Pentecôte que Jésus était de la tribu de David, mais il semble bien que ceci n’était pas connu lors du temps de la prédication. Les évangiles de Luc et Matthieu n’avaient pas été écrits, et les pharisiens ne semblent pas être au courant des origines davidiques de Jésus.

Certes, il y a l’épisode des 13 ans de Jésus, quand il reste à Jérusalem à l’insu de sa famille.

A cette époque là, certes il avait déjà son accent, mais c’était encore un enfant, un petit Mozart par sa précocité et par son intelligence. « Ils le trouvèrent dans le temple au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant; et tous ceux qui l’entendaient étaient stupéfaits de son intelligence et de ses réponses ». Ce qui ne posait pas de problèmes au moment de la fin de l’enfance, en pose à l’âge adulte. La grâce de l’enfance est loin et l’homme inquiète.

Comment réagissons nous aujourd’hui à ces jeunes, et à leur manière de parler, si différente de la notre? Accepterions facilement un président à l’accent berrichon ou toulousain ? Pas évident. L’accent traduit les origines et les origines du Messie devaient être royales au sens fort du terme.

Ce que je veux dire, c’est que pour les pharisiens, Jésus n’appartenait pas à leur monde et que de ce fait, le reconnaître comme l’Envoyé, alors qu’Il s’écartait d’une certaine manière de la tradition leur était bien difficile.

Alors que Jésus ait guéri ou non un jour de sabbat, ce qui effectivement devait très difficile à admettre pour des personnes très respectueuses de la loi mosaïque, ne pouvait que corroborer la certitude que jamais Dieu, leur Dieu, celui qui les avait fait sortir d’Egypte et de Babylone, n’aurait choisi un « bouseux » pour être le sauveur.

Il en fallu du temps à David, le rouquin, le petit dernier, le gardien de moutons pour être reconnu comme le roi d’Israël ! Bien plus que les trois ans de la vie publique ! Et pourtant lui avait reçu l’onction du prophète en titre : Samuel. Car Jésus n’a pas reçu d’onction spécifique, celle qu’il a reçue en même temps que son baptême ne semble pas avoir eu une très large audience ou assistance.

Et puis outre l’accent, il y a autre chose. Si beaucoup ont fermé leur cœur et leurs oreilles, c’est que Jésus n’est pas un érudit. Il n’a pas étudié comme Paul le futur apôtre ces nations. Or l’étude, est fondamentale, elle est la clé de voûte du juif « pieux » qui consacre sa vie à l’étude donc à Dieu. Jésus ne se réclame que du « Père ». Délire mystique ?

Comment coopter quelqu’un qui a un accent ? Qui n’a pas suivi un cursus ? Qui d’une certaine manière s’autorise de lui-même, même s’il dit être mandaté par Dieu.

Alors pourquoi Yahvé qui est un Dieu juste et fidèle aurait il choisi ce charpentier ; ami des pécheurs du lac, sorti d’une province à mauvaise réputation, plutôt que l’un des leurs ? Pourquoi Lui, pourquoi pas un des leurs ?

On retrouve ce dépit, qui fait le lit de l’envie, cette envie qui est aussi convoitise, mène à la mort.

Pas celui là, parce qu’il n’est pas nôtres.

Pas celui là, parce qu’il s ‘est auto proclamé.

Pourquoi Lui, pourquoi pas nous ou l’un des nôtres ?

Et le risque demeure : comment écouter et respecter celui qui n’a pas la même éducation, le même savoir que le mien ? Comment ne pas s’enfermer de manière défensive dans ses certitudes, quand un autre différent se met à parler.

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