mardi, décembre 19, 2006

Un jeu de questions réponses : Comparaison entre Luc 1,5-25 et Luc 1,26-38

Catherine Lestang

"Un jeu de questions réponses : Comparaison entre Luc 1,5-25 et Luc 1,26-38"

En lisant hier l’annonce de la naissance de Jean, (Luc1,5-25) deux choses m’ont frappée.

La première c’est la comparaison de Jean avec Elie : « il marchera devant le Seigneur avec l’esprit et la puissance d’Elie, pour faire revenir le cœur des pères vers leurs enfants, convertir les rebelles à la sagesse des hommes droits, et préparer au seigneur un peuple capable de l’accueillir ».

Si la dernière phrase semble bien décrire ce que sera le travail de Jean, pour le reste, la vie de Jean est beaucoup moins glorieuse que celle du prophète enlevé sur char de feu et qui n’a pas eu la tête tranchée malgré les menaces de Jésabel. Cependant, il y a une piste possible. Le prophète Elie a proclamé la puissance du Dieu unique YHWH et Jean annonce la venue imminente de ce même Dieu.

La seconde, c’est que je comprends mal pourquoi la question somme toute normale de Zacharie : «Comment vais-je savoir que cela arrivera ? Moi, je suis un vieil homme, et ma femme aussi est âgée », provoque la colère de l’ange Gabriel et une punition importante pour un prêtre chargé de chanter la louange. Je cite ce que lui rétorque l’Ange:«Je suis Gabriel; je me tiens en présence de Dieu, et j'ai été envoyé pour te parler et pour t'annoncer cette bonne nouvelle. Mais voici que tu devras garder le silence, et tu ne pourras plus parler jusqu'au jour où cela se réalisera, parce que tu n'as pas cru à mes paroles : elles s'accompliront lorsque leur temps viendra. »

Or jadis, Sarah avait bien ri quand le Visiteur avait annoncé la naissance d’un descendant, sans que cela entraîne la moindre punition.

Si on compare ce récit avec celui de l’annonciation, la similitude des questions est frappante :

Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je suis vierge?» l’ange lui répondit: « l’Esprit saint viendra sur toi, et la puissance du très haut te prendra sous son ombre…..Et voici qu’Elisabeth ta cousine a conçu elle aussi un fils…. ».

La différence se situe entre comment vais-je savoir que cela arrivera et comment cela va-t-il se faire, théoriquement un doute et une acceptation, sauf que je trouve que c’est un peu jouer sur les mots.

Dans les deux cas il y a une question que renvoie à un comment, à un impossible qui devient possible.

Il me semble que pour le prêtre Zacharie, la question est entendue comme un manque de foi et il y a « punition » un peu comme pour Moïse (livre de nombres) qui a frappé par deux fois le rocher à Massa et qui en fut puni. Le prêtre aurait dû accepter la parole de celui qui est le messager de Dieu. Et de ce fait Jean s’enracine dans la première alliance, même s’il annonce la seconde, ce qui permet peut-être de comprendre la phrase de Jésus, concernant Jean :Lc7,28 : "Je vous le dis : de plus grand que Jean parmi les enfants des femmes, il n'y en a pas ; et cependant le plus petit dans le Royaume de Dieu est plus grand que lui.

Dans l’autre cas, Marie, la question qui est somme toute très semblable reçoit des explications, qui font de Marie l’arche de l’alliance, avec la présence de l’Esprit agissant au tout profond d’elle. Là encore on est frappé ou je suis frappée par la similitude avec l’exode et la permanence de la présence agissante de YHWH pour et dans le peuple qu’il s’est choisi.

Alors peut-être que Luc veut montrer qu’avec la naissance de Jean c’est l’ancienne alliance qui se termine et que son père comme jadis Moïse n’entrera pas dans la terre promise, alors qu’avec Marie, c’est le monde nouveau qui arrive.

mardi, décembre 12, 2006

Evangile de Jean: chapitres 19 et 20

Catherine Lestang

Quelques réflexions sur les chapitres 19 et 20 de l’évangile de Jean.

À travailler en groupe les chapitres où apparaît la « figure » du disciple que Jésus aimait (je préfère cette périphrase au « disciple bien-aimé » qui évoque des « mal-aimés » des laissé pour compte, ce qui n’irait quand même pas bien avec l’Amour Agapé de Jésus) il m’apparaît que ce disciple a un rôle plus que particulier.

Sa présence provoque des retournements, des éclatements. Il change presque le cours de l’histoire. Le soir de la cène, c’est suite à sa demande que Judas passe à l’acte, le soir de l’arrestation, c’est lui qui introduit Pierre, le jour de la résurrection, il est le seul à avoir foi en la résurrection, et enfin il reconnaît le Seigneur lors de la dernière pêche sur le lac, avec ce que cela signifiera pour Pierre et pour l’Eglise.

Je voudrai reprendre dans cette optique les chapitres 19 et surtout20.

On pourrait dire que si cet homme qui reste « sans nom » n’avait pas pris la fuite, comme les autres disciples, Marie serait retournée chez elle, avec un statut de veuve sans fils (statut peu enviable dans cette culture). Jésus la confiant à Jean (qui la prend chez lui) lui permet de rester avec les disciples et donc de se trouver présente au cénacle lors de l’effusion de l’Esprit qui crée la communauté ecclésiale et donc d’avoir une position très particulière dans l’église des débuts.

En ce qui concerne le chapitre 20, il me semble que la foi de Jean en la résurrection, provoque comme un tremblement de terre. Tout d’abord, un peu comme dans la création, il y a le vide du tohu-bohu, la réalité de la vacuité, suivie de la présence du Fils qui instaure un autre ordre.

Le premier tableau, c’est le tombeau vide, le choc de Marie Madeleine, la course de Pierre, de Jean. Certes le tombeau est ouvert, la lumière y pénètre, ce qui symboliquement peut parler à celui qui manipule si bien la symbolique de la lumière et de la ténèbre. Mais le tombeau est désespérément vide, le corps a disparu. On est en plein dans le réel, un certain réel: qui a pris le corps ? Ne pas accomplir les rites funéraires est catastrophique. Et on peut bien penser que la peur de Marie-Madeleine est que là encore, ce soit un échec.

Pourtant, les bandelettes qui gisent sur le sol prennent sens pour le disciple. Peut-être fait-il le rapprochement avec Lazare : « déliez le » avait dit Jésus.

Il comprend (toutefois après que Pierre est entré et a constaté en bon témoin, les mêmes choses) que ces linges qui signent la mort et qui gisent au sol sont le signe que Jésus est le Vivant. Jésus est délié, la mort est vaincue et Jésus est bien ressuscité, non pas réanimé comme Lazare.

Il croit « sans avoir vu » et cette foi donne « corps » à ce qui suit. Car maintenant, la scène est libre pour que Jésus lui-même se révèle.

Quand Jean repart chez lui, sa foi en la résurrection donne à celle-ci sa réalité. Le « disparu » peut maintenant apparaître car « un parmi tous » a eu foi en Lui et en Sa parole. Il est bien le vainqueur de la mort, il est bien le Vivant.


Un changement radical se fait. Voilà que le vide se remplit, d’abord avec les anges qui semblent des copies des chérubins de l’arche de l’Alliance, puis avec Jésus, qui même s’il n’est pas identifiable devient présent et repérable.


Mais revenons à Marie-Madeleine. Elle a déjà vu qu’il n’y avait rien dans le tombeau. C’est sa réalité à elle, et il lui faut trouver le corps pour l’embaumer. C’est cela qu’elle « doit » à celui que son cœur aime. Au moins cela, puisque le reste elle n’a pu l’empêcher.

Et c’est bien pour cela qu’elle avait pris les jambes à son cou pour prévenir Pierre et Jean. Et maintenant (Jn 20, 11 et suivants), elle reste dehors, mais elle voit des anges. Le vide devient habité. Les anges lui parlent, mais elle ne peut dépasser sa compréhension de la disparition : on a enlevé mon Seigneur. Et voilà que le disparu se manifeste, même si Marie ne le sait pas. Sa question provoque la même réponse : « Dis- moi où tu l’as posé que j’aille le chercher ». C’est lui qui va permettre que ses yeux s’ouvrent (au son de sa voix) et qu’elle devienne le premier « grand témoin ». Mais je me demande si Jésus aurait pu ainsi se montrer avant comme il le dit « d’être monté vers le Père »si Jean en tout premier n’avait pas eu foi en Lui.