lundi, décembre 24, 2007

"La fête de Noël".


Je n'ai pas eu d'éducation religieuse avant l'année de mes 10 ans, alors pour moi Noël était certes une fête que j'aimais beaucoup, peut-être plus le sapin et ses vraies bougies (et les cadeaux) que la crèche.

J'ai fêté Noël avec mes enfants, mais c'était une fête qui ne me parlait pas.

Aujourd'hui m'est venue l'image d'une parabole en géométrie, cette courbe en forme de U. Le haut de la parabole qui va vers l'infini est dans le ciel (image). Le centre de la parabole est la terre. Ceci pour reprendre les représentations qui nous sont familières.

Ce qui est révélé dans le premier testament, c'est qu'il y a un être (Dieu) qui désire que ces deux mondes (pour simplifier disons le ciel et la terre) puissent être reliés. 

Ce Dieu là fait un bon nombre d'essais peu concluants et semble bien souvent à deux doigts de tout détruire devant l'incapacité de l'humain à sortir de sa convoitise. 

Pourtant à un moment donné, et c'est là où ma "parabole". intervient, Il décide de prendre chair. 
C'est là pour moi le début de la kénose. Le Tout Autre prend un corps de petit autre. Et se crée alors la jonction des deux univers.

Si je compare cette naissance avec celles rapportées dans les différentes mythologies greco-romaines, la différence est énorme. Certes on peut dire que Jésus est un "demi-dieu",' mais il n'est pas mis au monde pour satisfaire le désir libidinal de qui que ce soit, mais le désir amoureux d'un Dieu pour sa créature.

Il est là, parce qu' avec Lui, l'union des deux mondes deviendra possible et qu'il a un rôle de lien: vrai homme, vrai Dieu.

Le haut de la parabole à gauche, c'est le moment de l'incarnation ( Noël). Le tracé de la parabole, c'est la vie de cet homme depuis sa naissance jusqu'à sa mort, c'est le long chemin tel que cela nous est rapporté dans les évangiles.La résurrection se situe tout en haut et à droite. Elle permet l'envoi de l'Esprit Saint sur tous les hommes. 

On passe ainsi du singulier (Le très haut te couvrira de son ombre -nuée symbole de la présence du dieu vivant-) à l'universel.

La mort de Jésus est dans la logique de la kénose de la naissance. Elle ouvre un passage, elle ouvre "la porte" parce que en Jésus le divin a pris corps dans l'humain.

Alors oui, cette fête de Noël aujourd'hui représente enfin pour moi quelque chose de très important qui mérite d'être célébré avec une grande joie.


dimanche, décembre 23, 2007

"L'ange du Seigneur, majuscule ou minuscule à ange?"

                                   Ange au sourire, cathédrale de Reims

En cette période de Noël, on parle beaucoup des anges, que ce soit celui qui apparaît à Manoa dans le livre des juges, l'ange qui apparaît à Zacharie, qui donne son nom: Gabriel, puis qui va à Nazareth pour délivrer un autre message. Il y a celui qui qui apparaît à Joseph, et celui qui annoncera aux bergers une naissance un peu particulière.
 
On oublie parfois que cet ange qui est dans nos représentations un être ailé, "gentil" peut bloquer la parole pour 9 mois chez le pauvre Zacharie qui a eu un doute bien compréhensible. Je me demande d'ailleurs si cette mutité n'a pas valeur de signe pour le peuple comme la mutité à laquelle a été condamné Ezéchiel pour faire signe durant la chute de Jérusalem. 

Ceci pour dire que lorsque nous écrivons "ange" avec une minuscule, d'une certaine manière nous l'amputons de la puissance d'un autre ordre, que nous ne connaissons pas et qui peut  être terrifiante.

Les anges étant des messagers de ce qui est censé se passer au dessus de notre tête, nous avons pris l'habitude de nous les représenter avec des ailes comme des oiseaux, mais les anges, les Anges du Seigneur  ne sont pas décrits de cette manière. Ils sont autrement impressionnants.

Ces anges avec un a minuscule, on en rencontre beaucoup dans les évangiles. Les hommes en blanc qui s'adressent aux apôtres après l'ascension ou qui se tiennent dans le tombeau sont caractérisés par une autorité venue d'ailleurs et par ce que j'appellerai une luminosité (la blancheur). Ils se déplacent d'un lieu à l'autre, ils se font comprendre et ils comprennent. Ils délivrent un message et ils disparaissent. De même ceux qui agissent dans les actes.

Dans le premier testament, on les rencontre aussi, mais souvent ils ne sont pas que des messagers, ils ont explicitement une aura de puissance qui est reflet de la gloire de Dieu.

Dans le livre des juges, l'être qui est sous un térébinthe et qui s'adresse à Gédéon ,en lui disant "Salut à toi vaillant guerrier" provoque une certaine stupeur, à défaut d'une certaine terreur chez ce fils qui essaye de soustraire la blé familial à la rapacité des Madianites. Dans la bible de Jérusalem, il est l'Ange du Seigneur, avec une majuscule. Je ne sais pas si Gédéon ressent de la peur ou de la crainte, puisqu'il discute familièrement avec lui, mais l'être qui se manifeste là est un être autre. En travaillant ce texte, j'ai été étonnée par la manière dont s'enflamment les offrandes apportées par Gédéon: ce n'est pas le bâton d l'Ange qui met le feu aux aliments, mais le rocher qui s'enflamme et qui consume, ce qui me semble autrement terrifiant: un petit volcan à portée de main. 

Cet Ange là n'est pas très éloigné de l'Ange qui s'adresse à Moïse dans le buisson qui brûle sans se consumer. Et le passage de" l'Ange de YHWH" à" YHWH" (Ex 3) monte bien que ces êtres qui se manifestent ainsi ont une force et une puissance autre celle des angelots joufflus que nous connaissons. 

Nous sommes finalement tellement dans l'imagerie un peu lénifiante des anges gardiens, que nous oublions que ces personnages qui sont des symboles de la puissance d'un Dieu qui se veut communication, ne sont pas à notre portée. Ils sont eux aussi parole agissante de Dieu. 

Ps147, 15-18
Il envoie son verbe sur terre, rapide court sa parole,
il dispense la neige comme laine, répand le givre comme cendre.
Il envoie sa parole et fait fondre, il souffle son vent, les eaux coulent

 

dimanche, décembre 16, 2007

"Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre"Mt 11,2

L'évangile de ce jour rapporte ce questionnement des disciples de Jean à Jésus.

Or cette question de Jean sonne bizarrement. Nous savons, nous, par l'évangile de Luc qu'il est le cousin de Jésus, qu'ils ont pratiquement le même âge, que Jean a vu l'Esprit Saint descendre sous forme d'une colombe, donc qu'il devrait quand même bien savoir que Jésus est le messie.

Mais le messie annoncé par Jean est un messie qui doit remettre de l'ordre, qui tient la pelle à vanner et qui mettra au feu tout ce qui doit être brûlé. Il y a là une image d'un envoyé de Dieu qui vient pour venger son peuple et reprendre la royauté.

Si Jésus est le messie que lui, Jean a annoncé, pourquoi ne vient-il pas libérer Israël du joug d'Hérode et sortir Jean de sa geôle? Cela pourrait se dire "si tu es le Messie, qu'est ce que tu attends pour renverser Hérode et me sortir de là". Ou encore "si tu es le Messie prouve le". 

La réponse de Jésus qui cite le prophète Isaïe est très claire: il est bien le messie, mais il ne viendra pas pour renverser qui que ce soit et il ne sortira pas Jean de sa prison et du sort qui l'attend. 

Et c'est bien cela qui sera la pierre d'achoppement par la suite pour le peuple mais aussi pour ceux qui suivent Jésus. quelle royauté va-t-il rétablir en Israël?   

jeudi, décembre 06, 2007

"fils fille ou petit"

Lors d'un enseignement sur l'évangile de la nativité en Luc 2, il a été noté que l'auteur fait dire aux anges qu'ils annoncent une "bonne nouvelle" qui est quelque chose de renversant, d'étonnant, de bouleversant. 

Du coup cela redonne un peu de sens à ce mot évangile qui désigne un écrit plus qu'une annonce. 

Puis il a été rappelé que la nouvelle renversante pour ceux qui se disent chrétiens c'est de s'entendre appelé fils ou fille bien-aimé par Dieu. 

Peut-être que pour moi les choses ne se sont pas passées dans cette dimension affective, mais je dois reconnaître que j'ai un peu de mal avec ces phraséologie. 

Puis je me suis dit que moi j'avais des enfants, des enfants qui étaient devenus des adultes et avaient leur propre vie. Mais quand je pense à eux, ils sont et ils demeurent mes "petits". cest un peu animal comme conception, mais là je m'y retrouve. Je veux bien et je désire profondément être"le petit de Dieu", juste un tout petit qui ne revendique aucune place auprès de la Vierge Marie et des apôtres comme cela est dit dans les prières qui suivent la consécration, non juste la place qui sera la mienne. 

j'ai été le "petit" de ma mère, je préfère le masculin au féminin qui a rapidement une connotation péjorative, donc cela je sais ce que c'est. Je sais aussi ce qu'elle a du faire pour maintenir la vie chez le bébé que j'ai été pendant l'exode. Une mère est prête à donner sa vie pour son petit, pour qu'il vive. Mes petits je le ai vu grandir, ils ont été ma joie et ils le sont encore, mais si âgés soient-ils ils sont et ils demeurent "mes petits".

Noël me rappelle aujourd'hui que pour tous ces petits qui habitent cette planète, un Dieu a décidé de donner son petit à lui, pour que les autres deviennent des vivants.

"Je te bénis Père d'avoir caché cela aux sages et aux savants et de l'avoir révélé aux tous petits"
Luc 10,21


lundi, novembre 26, 2007

"Ceci n'est pas un midrash".

L'évangile d'aujourd'hui était celui que l'on appelle "l'obole de la veuve", cette dame, âgée ou pas, qui met dans le trésor du temple l'argent qui correspond certainement à ce dont elle a besoin pour manger. Ce qui peut laisser à supposer qu'elle est dans un état de détresse et qu'il ne lui reste plus qu'à mourir.

J'ai alors pensé à l'épisode de la veuve de Sarepta dans le premier livre des rois au chapitre 7, versets 7 à 15.Il y a aussi une veuve qui n'a plus rien à manger sauf un peu de farine et un peu d'huile. Elie d'une certaine manière est en danger de mort: il fuit et le roi et la famine. Il lui demande d'utiliser pour son usage à lui Elie ce qui lui reste de nourriture. Et on arrive à ces lignes que j'ai toujours entendues comme une comptine:

Jarre de farine ne s'épuisera,
Cruche d'huile ne se videra,
jusqu'au jour où Yahvé enverra
La pluie sur la face de la terre.

Une idée m'est venue: la veuve de "l'obole"a donné son nécessaire à Dieu. Et si en rentrant chez elle, elle trouvait dans leur coupelle les deux piécettes qu'elle vient de donner?

Ses deux piécettes trouvera
jusqu'au jour où Yahvé
son Fils ressuscitera
à la face de la terre.

Inutile de dire que je n'ai pas trop suivi les développements de l'homélie.

A noter aussi que comme Elie, Jésus est en danger de mort, puisque sa mort est résolue, mais que dans le temple il ne craint rien, puisque le peuple est suspendu à ses lèvres.

samedi, novembre 24, 2007

"Le narrateur omniscient".

Il y a dans les évangiles synoptiques deux passages où Jésus est seul, sans témoins, et pourtant nous savons ce qui se passe. Quelqu'un nous raconte ce que vit Jésus alors qu'il est seul.

Le premier c'est la tentation au désert, le second l'agonie aux monts des Oliviers. Ces deux moments me semblent très importants car l'un inaugure le début de ce qu'on appelle "la vie publique" et l'autre la clôt.

La tentation arrive juste après l'effusion de l'Esprit. D'une certaine manière les 40 jours qui suivent sont tout ce travail qui se fait en Jésus pour lui permettre de prendre conscience de qui il est. J'aimerais appeler cela un éveil. Le fait que "les anges viennent le servir" montrent d'une certaine manière que la connexion entre le divin et le terrestre est possible.

Peut-être peut-on déjà parler d'une conciliation entre ces deux univers, le ciel et la terre (ce qui fait d'ailleurs écho aux anges de la nativité). Je note aussi que dans l'évangile de Luc, Lc22,43, au jardin des Oliviers, un ange apparaît qui le réconforte, ce qui va dans le même sens en tous les cas pour cet évangéliste. Car l'éveil c'est bien cette ouverture à un autre monde, ce qui permet de voir les choses d'une manière radicalement différente.

L'agonie du jardin des oliviers est donc pour moi un autre éveil, car le Jésus de la Passion est un Jésus bien différent de celui qu'il nous donné de voir dans tout ce qui précède.

J'ai choisi de réfléchir sur l'évangile de Marc, chapitre 14, les versets de 32-42, car c'est le texte qui donne le plus de détails.

Quand Jésus dit: "mon coeur est triste à en mourir" j'ai aujourd'hui l'impression d'entendre la plainte d'un bon nombre de personnes que je connais et qui sont dans un tel état de souffrance qu'elles voudraient arracher leur coeur. Car c'est à la fois du psychique, mais aussi du somatique qu'il est question (Luc parlera des gouttes de sang). Le coeur fait tellement mal, le coeur saigne, on voudrait l'arracher ou s'enfuir dans la mort.

Ce que les disciples ont entendu eux, c'est "Demeurez avec moi et veillez". Cela c'est bien ce qu'attendent toutes les personnes qui sont dans un tel état de souffrance. Et répondre à cette demande est souvent bien difficile. La solitude qui renvoie à l'abandon augmente encore la douleur morale. Le rester avec est la seule chose positive que les amis de Job ont pu faire avec lui, avant de se lancer dans leurs discours moralisateurs. De cet appui humain, Jésus est privé. Viennent alors les phrases qui sont pour moi source d'une autre approche.

" Et il priait pour que s'il était possible, cette heure passât loin de lui et et il disait Abba, tout t'est possible: éloigne de moi cette coupe; pourtant non pas ce que je veux, mais ce que tu veux".Mc14,34-35

Ces phrases, j'avais toujours cru qu'elles évoquaient ce qui allait advenir dans les heures suivantes et que le désir de Jésus était "éloigne de moi ce qui va m'arriver, éloigne l'arrestation et tout ce qui va suivre. Cela me terrifie, j'ai peur de ce futur".

Il y avait donc l'idée d'une anticipation liée à la conception d'une certaine divinité de jésus qui sait ce qui va arriver.Je crois que là j'avais fait un contre-sens.

Ce qui nous est montré là c'est la souffrance physique et psychique qui tombe d'un coup sur un être humain et qui le terrasse. Ce n'est pas celle d'une vision qui de qui va advenir. Il est dit en effet: "il tombait à terre" au verset 35.

Et face à cette douleur là, qu'il ne cherche pas à fuir, il se tourne vers son Père. Il ne lui demande pas d'évacuer ce qui se passe, mais de lui donner du sens. Et d'une certaine manière cette attitude me semble bien proche de l'attitude de louange, telle que je la conçois: ce que je vis est pire que l'enfer, mais si c'est ce que tu veux pour moi, aujourd'hui, maintenant, dans mon présent, alors je l'accepte parce que c'est cela qui est bon.

Peut-être peut-on dire, puisque dans cet épisode où il y a une sorte d'aller et venue entre Jésus et ses disciples qui dorment et ce par trois fois, qu'il y a une sorte de parallélisme avec les trois tentations. La victoire de Jésus c'est certainement déjà là qu'elle se joue. Tout le reste en découle, y compris la résurrection.

Alors que nous montre ce narrateur? Parce que bien entendu je me suis souvent demandé, comment sait-on ce qui s'est passé, puisque les disciples dormaient du sommeil du juste après la soirée de la Pâques, où il y a consommation d'un certain nombre de coupes de vin.

Ce qu'il montre, c'est que ce qui se joue là est une sorte de moment fondateur, qui donne sens au temps présent utilisé par Jésus pendant le repas pascal: ceci est mon corps, ceci est mon sang, faites ceci en mémoire de moi.

C'est bien parce que Jésus vit dans le présent, qu'il ne fuit pas ni dans le futur ni dans le passé que la résurrection est aussi possible pour nous.

jeudi, novembre 22, 2007

"Je tends la main vers toi"

Non, ce n'est pas exactement une phrase de psaume, même si ça y ressemble.

Cette phrase "j'ai tendu la main vers quelqu'un et ce quelqu'un ne l'a pas attrapée et cela m'a blessée"m'a été dite hier par une amie et je pense avoir fait un énorme contre-sens en l'entendant et surtout en y répondant un peu trop rapidement.

Cette phrase je l'ai comprise de la manière suivante: cette autre personne avait besoin de moi, j'ai tendu la main pour la sortir de sa difficulté et elle n'a pas voulu la prendre. Moi, je me suis retrouvée toute bête avec ma main tendue et ça m'a mise en colère. C'est toujours difficile de voir son offre rejetée et cela peut générer de la colère mais aussi un repli relativement légitime sur soi. Du coup on peut se sentir mauvais et nul, alors qu'on est pas en cause.

Jusque là c'est presque toujours comme cela que j'avais entendu cette phrase. Tendre la main à l'autre pour l'aider. Avec aussi un risque important, celui de perdre pied avec l'autre et de basculer avec lui. Ceci me permettant de comprendre une phrase d'un de mes analystes (phrase que j'avais détestée)"si vous vous accrochez à moi, nous risquons de basculer tous les deux et il n'en est pas question".

A l'époque j'avais trouvé cela bien dur, même s'il y a une part de réalisme. Pour moi c'était quand même non assistance à personne en danger.

Le geste de tendre les mains renvoie bien souvent à une demande de protection: je tends les mains vers toi, pour que tu me tires du bourbier, pour que tu me fasses échapper à mes ennemis ou à la mort.

Parfois la main tendue est signe d'une demande: celle du mendiant à la porte de l'église, dit: remplis ma main vide et sors moi de ma faim. Mais là se pose une question qu'est ce qui est le plus important: toucher cette main qui se tend c'est à dire regarder l'autre comme un proche ou simplement déposer quelque chose pour se donner une moins mauvaise conscience? Comment concilier les deux? Toucher engage beaucoup plus que déposer.

Alors pour en revenir à cette phrase, pour moi aujourd'hui elle veut dire: j'étais mal, j'ai essayé de tendre ma main juste pour sentir un contact, et comme l'autre personne s'est détournée, n'a pas touchée ma main qui se tendait vers elle, alors je suis dans une solitude sans nom, dans une souffrance son nom, d'autant que tendre la main m'est très difficile". Ce changement de sens a pour moi des effets que je pense être très importants: entendre autrement, entendre ce qui se hurle et que moi je n'ai pas forcément envie d'écouter.

Tendre la main, c'est espérer qu'une réponse sera là, qu'une chaleur sera là, c'est juste un contact, ténu mais présent.Et pafois ce geste est à peine esquissé, la main est prête à se refermer, alors il ne faut pas louper ce moment là.

Faire quelque chose, agir en donnant c'est relativement facile. Rester et tenir la main de cet autre qui est comme un petit oiseau qui ne peut dire sa peur c'est bien autre chose.

C'est peut-être pour cela que j'avais fait une sorte de contre-sens un peu dramatique à l'écoute de cette parole. Parfois le "Ephata" de Jésus au sourd-muet, prend tout son sens pour moi.

dimanche, novembre 18, 2007

"Complètement fou"

J'ai passé ma journée d'hier à entendre un (des) exposé sur Henri Le Saux. C'est un moine bénédictin qui est parti aux Indes tout se suite après la proclamation de l'indépendance de ce pays en 1947.

Il a beaucoup été question de "non dualité" et d'éveil.

En ce qui concerne la non dualité j'ai retenu ceci: un maître ami de Le Saux avait coutume de demander à un disciple qui disait: je suis fatigué ou je suis triste ou je suis heureux, qui est triste, qui est fatigué, qui est heureux? J'ai trouvé cette approche très intéressante, car elle permet d'une certaine manière de s'unifier.

A la question qui est fatigué, il y a bien des réponses possibles. En ce qui me concerne, la fatigue dont je parle si souvent était présente hier dès la fin de la matinée. Cette fatigue elle n'est pas une partie de moi, elle est moi, elle est en moi et d'une certaine manière l'important est d'apprendre à vivre avec elle, de faire un avec elle, car elle veut peut-être me mener quelque part.

Pour l'éveil, comme j'ai déjà lu pas mal de choses dans le livre tibétain de la vie et de la mort, je n'ai pas appris au sens intellectuel, mais il m'est venu une drôle d'idée concernant Moïse et l'exode.

C'est ce qui justifie le titre de ce billet.

J'ai toujours été frappée par les durées: 3 fois 40 ans pour la vie de Moïse, ce qui lui donne un âge plus que respectable pour diriger un peuple qui fuit. Il y a les 40 jours qu'il passe dans la nuée, au cours desquels il reçoit si l'on peut dire un enseignement, puisqu'il redescend avec les tables de la loi. A nouveau 40 jours pour revenir avec les nouvelles tables, mais surtout avec une conception, une vision de son Dieu complètement différente.

Il parait quand même étonnant que l'Exode n'ait laissé aucune trace exploitable par des archéologues. Ceux ci disent d'ailleurs que l'exode a concerné un petit nombre d'individus, alors de quoi parle-t-on? Exode mythique pour redonner du coeur aux exilés en Babylone? Ou l'histoire d'un fondateur (comme Bouddha) qui passe par une série d'expériences d'Eveil.

Finalement la description de la théophanie inaugurale n'est pas tellement différente de ce que l'on retrouve dans les visions d'Isaïe ou d'Ezéchiel. Ces visions mettent en jeu un Dieu redoutable violent, volcanique, je dirai bien humain par certains côtés.

Ce Dieu qui s'est révélé une première fois dans le buisson ardent (Ex3) qui a donné son nom "Je suis celui qui suis" mais qui parallèlement peut dire "Je serai avec toi" ce Dieu là éveille Moïse à une autre réalité.

Les plaies d'Egypte peuvent aussi figurer les combats que Moïse doit faire en lui, pour pouvoir devenir un Chef, lui qui s'est jadis enfui après un meurtre. Il a des peurs qu'il faut vaincre un jour ou l'autre.

La première séquence de 40 jours, dans le feu, la tempête, le bruit est une vision apocalyptique qui renvoie à certaines visions de l'après mort dans les NDE. Elle se termine par une sorte d'épuration brutale du peuple. Mais surtout par un code de vie qui est une alliance.

La seconde séquence de 40 jours se termine par la conception d'un Dieu Autre, celui qui lui dit: Ex 34,22:" Quand passera ma gloire, je te mettrai dans la fente du rocher et je te couvrirai de ma main jusqu'à ce que je sois passé. Puis j'écarterai ma main et tu verras mon dos; mais ma face on ne peut la voir".

Ce Dieu là n'a plus besoin de cette bimbloterie volcanique pour se révéler et pour se laisser trouver. C'est le même qui au bout de 40 jours choisit de se montrer à Elie non pas dans le bruit mais dans le son d'un silence subtil.

Si le visage de Moïse luit d'une autre lumière c'est bien le signe qu'un Autre est présent en Lui. Et cet autre comme le dit le Deutéronome, il n'est pas à chercher dans le ciel ou dans les abîmes, mais dans le coeur de l'homme.

Voilà le fruit d'une journée finalement assez étonnante.

jeudi, novembre 15, 2007

"Un seul corps".

J'entends comme presque tous les jours cette phrase prononcée par le célébrant après la consécration: "nous soyons rassemblés par l'Esprit Saint en un seul corps".

Jusque là j'ai toujours eu tendance- et je dois dire en vain- à essayer de me dire que je fais partie du corps du Christ, mais honnêtement cela ne veut rien dire de concret pour moi.

Qui suis-je moi, pour être le corps de Lui, de Lui qui est le ressucité. En d'autres termes, j'essayais de me fabriquer une représentation allant du Je que je suis, vers le Il qu'Il est devenu, le ressucité et ça n'allait pas.

Je crois depuis ce matin que le corps qui se crée pendant l'eucharistie, c'est un corps qui est comme l'union de toutes les personnes qui sont là, quelles qu'elles soient, de ces personnes qui font toutes mémoire d'un Etre.

Ces personnes semblables et différentes, c'est-à-dire nous qui sommes présents, elles sont comme des grains de blé rassemblés les uns à côté des autres.

Pour que le blé devienne pain, il faut le levain de l'Esprit Saint. Alors tous ces individus peuvent former un seul corps, parce que d'une certaine manière ils ne forment qu'un seul coeur.

Le corps qui se fait ce n'est pas mon petit je en lien avec Jésus, mais la somme de tous ces je des personnes qui sont présentes, et chacun sait que le corps global n'a rien à voir avec la somme des individualités.

Et lors de chaque messe, ce corps se refait avec des individus différents. C'est le travail de l'Esprit aint de réaliser cela quand deux ou trois sont réunis en Son nom. Ce corps est à chaque fois autre et pourtant il y a une sorte de pérennité.

Il est alors peut-être figure "des cieux nouveaux et de la terre nouvelle", qui se créent ici et maintenant.

Sortir pour moi d'une représentation que je peux ressentir comme égocentrique pour passer à une représentation communautaire est quelque chose que je considère comme un progrès.

lundi, novembre 05, 2007

Péché de l'homme.

Une fois de plus je reviens à ce qui nous est presque rabâché au début de chaque célébration, à savoir que nous sommes des pécheurs, des nuls et que de ce fait nous sommes en danger de mort.

On va dire pour parler mal que "Dieu est colère..."

Mais grâce à la miséricorde de Dieu, notre péché est pardonné et donc la vie nous attend.

Or sans être le pharisien de l'évangile, il me semble que l'important n'est pas tant de se reconnaître pécheur, et de se battre la coulpe avec délectation (ce qui parfois me parait un peu morbide) et en opposition à la Vie que Dieu donne par son Fils et par l'Esprit, mais de ne pas "se" dissocier du collectif "humain" qui lui globalement vit (et de ce fait moi avec) dans la convoitise, et qui de ce fait ne peut accéder au chemin de divinisation qui lui est proposé.

Certaines grandes prières du premier testament commencent par reconnaître le péché des générations précédentes (donc la solidarité avec celles-ci), puis le péché de tout le peuple (tous confondus). Là je m'y retrouve.

Il s'agit là de la reconnaissance d'un péché qui peut s'entendre comme le non respect de la Tora. Nous n'avons pas tenu compte de Tes ordres et prescriptions et nous nous sommes détournés de Toi, l'unique. Mais il est bien évident que tous ne se sont pas détournés de la Tora (la bible raconte l'histoire des ces justes qui sont pourtant persécutés alors qu'ils devraient avoir une vie agréable).

Je peux au début de chaque célébration, me sentir solidaire de notre humanité et reconnaître que je ne fais pas grand chose pour lutter contre le mal. Je le fais un tout petit peu avec les moyens qui sont les miens. Je veux bien appeler ce "manque" péché mais je n'en suis pas convaincue.

Que cette complaisance au mal soit mauvaise oui. Mais est ce que cela me coupe de Dieu? Me détourne de Lui? Oui et non.

Il s'agit pour moi de reconnaître ce que je suis sans complaisance certes, mais avec lucidité, puis de demander que mes yeux s'ouvrent pour que je sois capable de voir tout ce qui s'oppose à la sainteté de Dieu et peut-être d'oeuvrer un tout petit peu plus, en fonction justement de ce que je peux au fil des jours percevoir.

J'aime cette notion de solidarité avec les générations précédentes, avec les frères et soeurs qui sont là dans l'assemblée. Oui, tous ensemble nous demandons ce Salut c'est à dire la Vie et aussi la divinisation, comme le rappelait le prêtre qui animait la célébration de dimanche.

Que cette vie et cette divinisation nous soient données gratuitement, certainement.

Alors plutôt l'action de grâce que l'affliction.

vendredi, novembre 02, 2007

"Et les ténèbres ne l'ont pas saisie"Jn 1,5


Il y a longtemps que ce petit bout de verset me fascine, car il renvoie bien au combat entre la lumière et les ténèbres et d'emblée il annonce si je puis dire la couleur: les ténèbres (le mal) ne peut pas "attraper" la lumière, la vie, qui finit par triompher. Les ténèbres sont autre chose que la nuit, elles renvoient à une sorte de noir absolu.

Je viens de terminer le dernier Harry Potter, et pour les personnes qui ne l'ont pas terminé, je vais peut-être gâcher leur plaisir en révélant un peu de ce qu'il en est de la fin, mais ce roman comme les précédents donne à réfléchir.

Il s'agit bien d'un combat entre les ténèbres et la lumière. Harry qui représente la lumière, n'a jamais pu être "saisi" de manière définitive par le mal. Quand il se rend compte que pour anéantir le mal, il faut qu'il accepte lui, parce qu'une part de ce mal est enfermé en lui, d'être tué, alors les choses basculent et l'on revient qu'on le veuille ou non à une dimension christique. Celui qui perd sa vie "à cause de moi" la trouvera.

Mais Harry est un héros et moi, n'étant pas un personnage de roman je suis très loin de cet héroïsme.

Cependant il y a une autre thématique qui est pour moi importante dans ce livre, c'est celle de la dépression et de la lutte contre la dépression.

La dépression est personnifiée par les détracteurs, qui font l'obscurité autour d'eux et qui aspirent tout le potentiel de vie qui se trouve dans chaque personne. Il ne reste que le noir, l'horreur, la peur, l'incapacité. Quand Harry est confronté aux détracteurs dans "le prisonnier d'Azkaban", il se trouve physiquement mal, ce qui traduit bien les effets somatiques et dévastateurs du vécu dépressif.

Beaucoup de personnes qui ont été comme dépossédées de leur enfance par des parents abusifs, parlent de leur coeur, qu'elles voudraient arracher. Coeur lourd, coeur brûlant coeur glacé, coeur pesant des tonnes, coeur qui demande la mort comme pour répondre au souhait qui a pesé sur eux au moment de leur naissance.

Cette douleur physique dont je n'avais jamais entendu parler au cours de mes études, est un des aspects somatiques de la dépression quand elle se fait incisive surtout lorsque la nuit est là et que les terreurs de l'enfance remontent.

Baudelaire n'écrivait-il pas: " et l'angoisse atroce, despotique, sur mon crâne incliné plante son drapeau noir"ce qui est une belle mise en mots de cette douleur intense.

Pour en revenir à la sage Harry Potter, il y a comme moyen de récupération après une attaque (de panique) provoquée par les détraqueurs, le chocolat (qu'il soit magique ou non). Or chacun sait que le chocolat est un excellent antidépresseur. Mais il y a un autre moyen pour ne pas se laisser envahir par ces ténèbres, je veux parler des "patronus". Mais la création d'un patronus, figure protectrice et cependant propre à chaque individu, nécessite une certaine énergie et le désir même minime de vaincre.

Il est indispensable de faire appel à un ou à des souvenirs heureux, de retrouver une toute petite oasis à soi, où l'on est bien et ensuite symboliser ce moment de douce chaleur par un animal qui désormais vous représentera (une sorte de totem pourrait-on dire) et qui parviendra à faire fuir, (mais pas à détruire) ces représentations désespérantes.

J'ai déjà parlé dans mon autre blog de l'importance pour moi d'avoir retrouvé un souvenir de mon adolescence, où assise dans une embrasure de fenêtre, je voyais au premier plan un toit de tuiles romaines, puis dans le lointain la mer scintillante sous le soleil.

Cette image m'a beaucoup aidée durant ma radiothérapie. Elle est à moi, je peux la faire apparaître quand je le désire.

Et ce matin pendant un temps que je me donne pour essayer de sortir des choses à faire, et où je visualisais cette mer miroitante, deux phrases de psaumes: "Ah si j'avais les ailes de la colombe, je m'en irais gîter au désert" et "quand les ailes de la colombes se parent de reflets d'argent" me sont revenues . Se transformer en oiseau, se planer, utiliser le vent...

Mais pour moi, la colombe ne fait pas partie des oiseaux marins et je me suis vue comme une mouette dansant au dessus de l'eau. Je peux espérer que cette représentation pourra m'aider à accepter ces temps d'hiver.

Bien sûr je n'ai pas de baguette magique, mais j'ai des images de vie qui ne pourront pas être avalées par les images de mort, et c'est à moi de faire vivre en moi ces mouvements d'ailes qui sont évocateurs aussi de la force de l'Esprit qui planait sur les eaux.

mardi, octobre 16, 2007

Compassion, pitié.



Je viens de lire "le livre tibétain de la vie et de la mort" écrit par Sogyal Rinpoché et qui s'adresse à un public occidental. J'y ai découvert- du moins ceci est ma lecture- que l'important c'est de réussir sa mort (qui comprend le avant, le moment de la mort, mais aussi un après au niveau du corps et au niveau de l'essence de l'être qui vient de mourir) qui conditionne tout ce qui va se passer ensuite dans l'au-delà. Une grande partie des enseignements consiste à anticiper les différentes étapes (très proches de ce disent les NDE) pour les réussir. Ceci se trouve aussi dans l'enseignement de Jésus, car il s'agit bien de changer de conduite dans ce monde ci, pour être dans l'unité trinitaire dans l'autre. Mais c'est la première fois que je comprends les choses ainsi.

J'ai découvert un chapitre sur la "compassion" qui m'a beaucoup apporté sur le plan de ma propre spiritualité. L'idée étant que lorsque quelqu 'un est dans la souffrance (en phase terminale par exemple, mais aussi en grande souffrance psychique) je désire moi en tant qu'être humain lui donner ce qu'il y a de meilleur pour lui pour qu'il puisse trouver une certaine paix. L'auteur parle de la pratique du "donner et recevoir" .

Je retranscris ce qui a été important pour moi, car cette pratique permet d'ouvrir son coeur autrement et toujours plus.

"Etre en face de la personne que l'on sait être en souffrance (et je pense que cela peut aussi se faire sans que la personne soit là). Se laisser prendre par l'amour qui notre propre capacité à ressentir de l'amour mais aussi s'appuyer sur ce que nous connaissons déjà dans notre propre expérience du divin) et se laisser émouvoir par la souffrance qui est la sienne (ou par ce que nous lui reprochons)".I l s'agit là de créer un temps de laisser faire, de laisser être. Dans mon expérience ce temps peut être assez long car les distractions sont souvent très présentes.

La douleur, la souffrance, le mal qui est dans l'autre peut être visualisé comme une fumée noire.

"Puis à l'inspiration, visualisez que ce nuage de fumée noire se dissout avec votre inspiration au centre de vous même, de la fixation égocentrique, située au niveau de votre coeur . Il détruit en vous toute trace d'amour de soi immodéré et purifie ainsi votre être."

En d'autres termes ce que je ressens comme mauvais chez l'autre peut devenir source pour moi de guérison en détruisant ce qui est à détruire. Il peut donc me donner quelque chose. Ce négatif devient du positif et mon regard sur l'autre change.

Ceci c'est mon interprétation, mais elle permet de comprendre que la destruction est parfois indispensable et que le mauvais de l'autre peut être un bien pour moi.

"Imaginez que une fois la fixation égocentrique détruite, que le coeur de votre esprit d'éveil (amour, agape) se révèle alors et que lors de l'expiration vous envoyez à l'autre qui souffre (et qui parfois ne s'en rend pas compte) la lumière radieuse et rafraîchissante de paix, de joie, de bonheur et d'ultime bien-être de votre esprit d'éveil, et que ses rayons purifient entièrement le mal en lui".

Cette manière de pratiquer la compassion, d'autant qu'il est toujours possible non seulement d'être ainsi en relation avec une personne, mais avec toutes les personnes qui ont le même type de souffrance ou de maladie m'a ouvert des horizons. En d'autres termes il est, il m'est par exemple possible de prier pour toutes personnes que je ne connais pas et qui ont la même pathologie (cancer) que moi. Cette ouverture au delà de soi, alors que la maladie renferme, permet de se reconnaître plus dans la vie.

Ce mot de compassion, je l'ai toujours aimé. je crois pouvoir dire que professionnellement il a été un des moteurs de mon travail de psychologue auprès de personnes en souffrance.

J'ai d'ailleurs toujours dit et pensé que ces personnes éveillaient ma compassion mais non ma pitié parce que la mot de pitié à pour moi une connotation très négative. "Il vaut mieux faire envie que pitié" disait ma mère.

Or les traductions française du nouveau testament utilisent le mot pitié pour traduire ce que Jésus semble ressentir à certains moments comme de la compassion: Mc6,34: "il fut pris de pitié pour cette foule qui errait comme un troupeau sans pasteur". Le mot compassion est rarement utilisé, ainsi que le mot de miséricorde. S'il y a bien un mot qui revient dans le rituel de la messe, c'est bien ce mot "pitié" que ce soit dans le Kyrie, l'Agnus, et dans de nombreuses prières eucharistiques.

Jusqu'à hier, pour moi le mot de compassion avait un sens positif celui de pitié un sens négatif (images de mendiants peut-être).

Mais je viens de lire le dernier livre de Philippe Claudel: "le rapport Broddeck". Ce livre outre l'écriture est une merveille. Il est pour moi à rapprocher de celui d'Ernest Wiechert: "Missa sine nomine". Et j'ai brusquement compris que la pitié est ce que l'on demande à l'autre qui est en train de vous tuer. Ne me tue pas, aie pitié de moi, je ferais ce que tu voudras. On est dans un autre registre, celui de la vie et de la mort. Pour tous ces juifs condamnés à mourir à cause de leur appartenance à une race, il n'y a pas eu de pitié. Ils n'ont pas été sauvés ou si peu.

Alors pourquoi demander "pitié" à Dieu? Cela reste très lié à la notion que l'on a du péché et de la représentation que l'on peut se faire du divin. Si on suppose que Dieu est d'une certaine manière celui qui n'a rien à voir avec le péché (Is 6,5-9: cf.le tison qui brûle les lèvres impures du futur prophète), alors on peut supposer que l'homme (avec la partie animale qui est en lui) est en danger si ce n'est dans ce monde du moins dans un au-delà car de l'impur en l'homme ce n'est pas cela qui fait défaut.

C'est donc se savoir en danger de mort. C'est alors reconnaître (quand c'est possible) que Dieu dans sa miséricorde a -pour faciliter le processus de changement, la conversion qui mène à la divinisation- envoyé Celui qui par son sang a sauvé l'être humain, lui a donné la vie. pour moi, être sauvé, c'est être vivant



Un dieu n'est jamais aussi grand que quand il se met au niveau de l'homme.

Pitié et compassion ne sont donc pas synonymes. La compassion j'espère pouvoir la laisser grandir, la pitié j'espère qu'elle continuera à appartenir à Dieu.

Il reste pour moi un petit point à débattre c'est celle du sourire. Les représentations picturales que j'ai des bouddhas sont très souvent des représentations que je trouve apaisantes car sous les yeux mi clos et derrière le sourire esquissé, il y a pour moi une grande compassion, un grand amour. Les représentations de Jésus (et je pense aux icônes) me renvoient à un regard de jugement qui est loin du sourire de la compassion amoureuse que j'aimerais y trouver.

samedi, octobre 13, 2007

"Les clartés de nuit"



Comme beaucoup d'anciennes guides, j'ai chanté cela avant d'aller dormir sous les étoiles: "Les clartés de la nuit sont l'appel au repos, à la paix". Mais ces clartés là sont ce qui est donné par les étoiles, par la voie lactée, par la lune, par les éclairages urbains (qui n'existaient pas lorsque nous entonnions ce chant). Il y a aussi la clarté de l'aube, mais elle annonce le soleil. La clarté vient de l'extérieur.

Je viens de lire le "livre tibétain de la vie et de la mort" et il est beaucoup question de lumière dans ce livre, pas d'une lumière qui vient de l'extérieur,mais d'une lumière qui vient du dedans, qui illumine sans aveugler, qui est sa propre source.

Quand on lit le début du livre d'Ezchiel, si on ne tombe pas dans le désir de représenter les vivants avec leurs ailes et leurs roues, on se rend compte, qu'il est aussi beaucoup question de lumière, et aussi question de bruit (c'était déjà vrai dans la théophanie du livre de l'exode). Or la lumière et le bruit sont des phénomènes fréquemment rapportés par les personnes qui ont vécu des N.D.E. Je veux dire par là, que peut-être certaines apocalypses (certains dévoilements) rapportent ce que tous nous verrons quand nous ne serons plus dans ce monde.

Il y a quelque jours la phrase employée par la liturgie au cours de l'eucharistie: "que nous puissions contempler la clarté de ton visage" a pris une autre dimension, un autre éclairage si je puis dire.

Jusque là, j'avais eu tendance à opposer clarté à obscurcissement, ou plus précisément à imaginer un Dieu à deux visages. Un visage sombre, un visage qui ne dit rien qui vaille, un visage qui fait finalement peur (dis pourquoi t'es fâché?) et un visage souriant, "éclairé" par un sourire, bref un visage rassurant, qui ne fait pas peur. Or (j'y reviendrais dans un autre billet) les représentations qui nous sont données non pas de Dieu puisqu'Il n'est pas représentable, mais de Jésus sont rarement des représentations souriantes et malgré les dorures jamais je n'ai pu trouver dans les icônes une représentation d'un visage illuminé et heureux.

J'ai compris que cette clarté elle était intrinsèque à Dieu, elle était Lui, elle faisait partie de lui. Il ne s'agit pas d'un visage qui réfléchit une clarté venant de l'extérieur. Non cette clarté là vient du dedans, et elle éclaire le reste. Cette clarté on la devine parfois sur le visage de certaines personnes qui sont comme habitées de l'intérieur, maus nous ne pouvons la percevoir que si la lumière est là.

La clarté du visage de Dieu, c'est quelque chose que je sais être radicalement différent; C'est une clarté qui ne doit rien au soleil ou aux étoiles.

Je peux la deviner, l'anticiper un peu. Il y a deux phrases qui font écho à cette perception:

- L'une c'est la transfiguration, où cette blancheur au delà de toute blancheur montre combien les mots sont faibles pour décrire cette lumière qui vient du dedans et qui irradie le reste du monde:Luc 9, 29 "Et il advint, comme il priait, que l'aspect de son visage devint autre, et son vêtement, d'une blancheur fulgurante"..

L'autre, une phrase du livre de l'Apocalypse.
Ap21, 24 "La ville peut se passer de l'éclat du soleil et de celui de la lune, car l'éclat de la gloire de Dieu l'a illuminée et l'Agneau lui tenait lieu de flambeau", phrase qui fait pendant à : Ésaïe 60,19-20 "Tu n'auras plus le soleil comme lumière, le jour, la clarté de la lune ne t'illuminera plus : Yahvé sera pour toi une lumière éternelle, et ton Dieu sera ta splendeur.
Ton soleil ne se couchera plus, et ta lune ne disparaîtra plus, car Yahvé sera pour toi une lumière éternelle, et les jours de ton deuil seront accomplis".

Je n'ai pas de mots pour décrire ce que je sais être la clarté du visage de Dieu, mais il y a quelque chose en moi qui peut au delà des clartés de la nuit, la deviner.


jeudi, septembre 20, 2007

"Les cheveux de la pécheresse" Luc 8, 36-40

Catherine Lestang

En lisant ce passage hier, j'ai été très sensible dans un premier temps aux "reproches " de Jésus.

"Tu ne m'as pas versé de l'eau sur les pieds, et elle m'a arrosé les pieds de ses larmes et les a essuyés de ses cheveux".

Ceci est étonnant quand on sait à quel point la purification est importante chez les pharisiens. Ce que je trouve beau dans cette représentation c'est que la femme touche sans toucher. Et si cette femme est la Marie Madeleine du matin de la Résurrection, alors le "ne me touche pas" prend pour moi un autre sens: celui du rappel d'une première rencontre.

"Tu ne m'as pas donné de baiser et elle ne n'a cessé de me couvrir les pieds de baisers".
Le baiser concerne en général le visage à moins que ce ne soit un geste d'accolade, qui est comme un enveloppement. Et c'est ce qu'elle fait en "couvrant" les pieds de baisers. Quelle mère n'a pas couvert les corps de son bébé de baisers? Et Jésus se laisse envelopper.

"Tu n'as pas répandu d'huile sur ma tête, elle au contraire a répandu du parfum sur mes pieds".
Quand j'entends le début de cette phrase je ne peux m'empêcher de penser à l'onction donnée par Samuel d'abord à Saül, puis à David. Cette onction qui fait d'eux des hommes choisis et remplis par l'Esprit. Mais Jésus n'a pas besoin de cette onction. Par contre il y a un autel des parfums dans la tente de la rencontre. Et le parfum c'est aussi reconnaître la divinité de cet homme aux pieds peut-être sales...

Elle a reconnu en Jésus le prophète, le guérisseur et peut-être et surtout " Dieu qui sauve" (le nom de Jésus). Alors que Simon se dit en lui-même "s'il était prophète" il saurait qui elle est..

Simon est il heureux d'avoir chez lui ce Jésus? Cela je ne le crois pas. Est-il choqué d'avoir à accueilliir en prime dans sa pure maison une femme "en cheveux"? Certainement.
.

Il me semble que le simple fait pour une femme de cette époque, d'apparaître dans un lieu public les cheveux dénoués est significatif. Avons nous déjà eu le moindre tableau où Marie ou les saintes femmes ne portent pas de voile? Jusqu'à une époque récente, les femmes ne sortaient pas "en cheveux" dans la rue. Les cheveux dénoués, libres ou libérés ont été le signe d'une vie dissolue jusqu'à la première moitié du XX siècle.

Quand je lis ce texte je ne peux m'empêcher de penser à une jeune fille turque qui devait se faire opérer d'une malformation de la colonne vertébrale. Pour elle, le difficile ce n'était pas l'intervention, mais le fait que ses cheveux allaient être coupés (je dirais presque massacrés). Elle m'a expliqué que au paradis les femmes ont pour tout ornement leur chevelure, qui les enveloppe entièrement et sans ce manteau, pas de paradis... Et sa crainte non dite de mourir pendant l'intervention se disait par sa peur de ne pas accéder au paradis parce qu'elle allait perdre ce qui faisait d'elle une femme.

Alors il me semble que Jésus n'avait pas besoin d'être prophète pour savoir qui était cette femme.

Mais la phrase finale qui est comme un parallèle à celle où prononcée au début du texte:
"le pharisien se dit en lui-même si cet homme était un prophète. .. "

"ceux qui étaient à table avec lui se mirent à dire entre eux: qui est -il celui là qui va jusqu'à remettre les péchés",

montre bien qu'il n'est plus question de prophétisme mais de la divinité de celui qui sait" QUI Il EST".

Pendant l'écoute de ce texte une autre pensée m'est venue. Quand on ouvre sa porte à jésus, on ne sait pas qui va venir en même temps que Lui, et des fois ça "décoiffe"!

jeudi, septembre 13, 2007

Le "non savoir".


Une longue promenade en longeant la côte bretonne, m'a laissé du temps pour laisser s'installer en moi "la prière du coeur" et pour penser. Ce que j'aime avec cette prière, c'est qu'elle s'adapte au rythme de la marche, elle s'installe en moi, elle s'inscrit en moi. Cela ne m'empêche pas de réfléchir, de penser.

A un moment donné j'ai ressenti le besoin de vider ma tête de certaines préoccupations. Et j'ai pensé à ce que Jésus dit des riches. Il est plus difficile pour eux d'entrer dans le royaume que pour un chameau de passer par la porte de l'aiguille. En d'autres termes- car l'image du chameau me parle, car il porte un tas de marchandises sur ses flancs, ce qui l'empêche de passer sauf s'il se déleste de ses paquets- il y a des préoccupations qu'il faut laisser s'envoler...

J'ai perdu mon chat il y a un peu plus de deux mois. Et cette absence qui par moments est encore très douloureuse, est un peu comme si j'avais été délestée de quelque chose, car compte tenu de son âge et des soins journaliers très nombreux, elle avait un certain poids.La perte de cet animal qui a partagé ma vie pendant 17 ans, m'a permis de ressentir que quelque chose de ma vie partait.Mais que cet allégement pouvait me permettre de vivre autrement et que de ce mal pouvait surgir un bon.

J'ai dû faire face à des problèmes de santé; même s'il s'agit d'une pathologie détectée très tôt, là encore il a bien fallu que quelque chose "tombe", car cette atteinte somatique est un rappel que la mort est peut-être proche. Alors apprendre à vivre peut-être autrement, se créer moins d'obligations.

En fait il y a longtemps que j'espérais cet allègement, mais le chemin qui m'a été proposé reste un chemin étroit, et pierreux. Cependant il correspond bien à une demande déjà très ancienne. "Ce corps là est trop lourd" dit le Petit Prince à l'aviateur. C'est si facile d'accumuler et d'imaginer que cette accumulation sert de citadelle.

Je sais beaucoup de choses en psychanalyse. Mais actuellement ce savoir est comme en arrière plan. Je peux l'utiliser quand il est nécessaire, mais je n'ai pas besoin de me réfugier derrière ce savoir pour me sentir exister. Il est en moi, en profondeur, il est intégré, ce n'est plus un ballot de savoir.

J'ai appris quand j'étais étudiante beaucoup de choses sur la religion qui est la mienne, à savoir le catholicisme. Ces dernières années d'autres acquis sont venus et viendront car pour animer un groupe un certain savoir est nécessaire.

Mais ce savoir sur Dieu (pour simplifier) peut devenir pesant. On peut se réfugier derrière ce que l'on sait. Et le savoir peut devenir une sorte d'idole.

Alors tout en marchant, la prière du coeur a pris une autre direction. Seigneur enlève mon savoir et remplace le par le non savoir.

Le non savoir ce n'est pas "pas savoir" ou ignorer. Non, c'est abandonner ce que l'on sait car de toutes les manières un savoir sur le divin ne peut-être que partiel. C'est cesser de s'accrocher à ses certitudes, à ses représentations (qui heureusement évoluent au fil des événements de la vie), c'est enlever les ballots pour se laisser guider par l'esprit.

Durant cette marche j'ai eu beaucoup de mal avec certaines dénivellées.Je me suis rendue compte que je pouvais modifier la trajectoire quand c'était possible, pour faire comme sur un sentier de montagne: casser la pente par des petits changements de direction. Et c'était un peu comme si un autre savoir que j'avais oublié, se manifestait.

J'ai lu autrefois un livre consacré aux femmes à la naissance de leur premier enfant. Cela s'appelait "le Gai Savoir". Le Gai Savoir c'est celui des sages femmes.

Et peut-être que peu à peu le "non savoir" peut se transformer et peut-être même se transmettre comme le gai savoir, qui n'est pas la propriété privée des femmes sages.

Cet après-midi nous avons atteint un lieu nommé " les quatres vents" ce qui m'a fait penser à Ezéchiel dans la vision des ossements desséches et ensuite sur la mer il y avait quatre grands oiseaux blancs, superbes qui en s'envolant donnaient corps à ces quatre vents et qui pour moi, cet après midi, symbolisaient la présence de l'Esprit de Dieu, celui que Jésus nous a donné en plénitude.

On parle beaucoup des "doutes" de Mère Thérèsa en ce moment. Et si cette apparente sécheresse était justement l'incarnation de ce non savoir sur Dieu qui ne se laisse jamais enfermer, même dans l'être humain?

dimanche, août 05, 2007

Mort par amour du Père

Ce matin je pensais à un témoignage lu hier sur Top C d'une jeune femme qui a reçu une visite de Jésus. Parfois j'aimerais bien recevoir de tels signes, mais chacun recoit les signes qui sont bons pour lui.

Et par la suite quelque chose s'est mis en place: mon cadeau du jour, mon signe si je puis dire. C'est certainement évident pour beaucoup, mais pour moi c'est une sorte de découverte.

Je supporte mal -et ceci est un thème récurrent sur ce blog- la thématique du canon de la messe. Si on prend les choses au premier degré, il y a un Dieu que nous avons offensé et qui reste cependant tourné vers nous. Mais comme nous sommes incapables de nous réconcilier avec lui, alors le Fils prend sur lui notre péché et accepte de donner sa vie "en rançon"(Is 53)..

J'ai du mal avec cette victimologie. Je l'ai déjà exprimé (voir mon billet: "faire mémoire").

Mais ce qui m'est apparu ce matin c'est que le motif de la mise à mort de Jésus est un motif religieux: "Toi un homme tu te fais fils de Dieu". Or la réalité humaine de Jésus c'est bien d'être fou d'amour pour son Père et d'aller jusqu'au bout de cet amour, sans se renier, sans Le renier. La mort de Jésus c'est la manifestion du jusqu'où peut aller l'amour. Et ce amour là est un amour fécond, un amour fécondant.

Cela me permet de sortir de cette image de victime innocente, morte à notre place, même si Jésus peut aussi être considéré comme cela. Tant pis pour l'épitre aux Hébreux!

Il me semble aussi que voir les choses comme cela permet de sortir de cette culpabilisation trop fréquente dans nos égllses.

Cette mort montre ce que l'amour est capable de faire et d'être. La résurrection est le fruit de cet Amour, de ce don. Et c'est par cette mort que la Vie est manifestée.

Dans la mythologie sumérienne, on raconte que pour créer l'homme, les Dieux ont eu besoin du sang de l'un des leurs. J'imagine aujourd'hui que le Sang de Jésus (vrai Dieu, vrai homme) qui tombe de la croix sur le sol fait naître l'Homme Nouveau, celui dont parle l'apôtre Paul.

Ainsi la renaissance se fait dans l'eau, dans le sang et dans l'Esprit.

Voilà ma joie de ce matin.

jeudi, juillet 26, 2007

Trinité

Catherine Lestang.

Il ne s'agit pas pour moi de faire un "cours" sur la trinité, mais juste de retransmettre des bribes de réflexions.

Qunhd on dit "Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit" en se signant au début d'une prière ou d'une eucharistie , que dit-on, à qui s'adresse-t-on?

Quel est ce Dieu qui se décline ainsi? Que mettons nous derrière ce simple mot de Père, car même si comme le dit Paul nous pouvons dire "Papa" à ce Dieu Fondateur, créateur, sorte d'Ancêtre Universel, moi, je ne peux m'adresser à Lui ainsi. Que l'Esprit qui est en moi puisse un jour le faire, je le crois, mais aujourd'hui je ne le peux.

Qui est ce Dieu Fils ou Fils Dieu? Car si on accepte la mythologie lucanienne, Jésus est d'emblée un demi Dieu qui par l'épreuve qu'Il subit "donner sa vie par amour, injustement, sur la croix" en étant comme le représentant de tout l'espèce humaine, acquiert la totale divinité (qu'il avait accepté de perdre en prenant corps). Les textes disent tous que Dieu l'a ressucité au 3° jour, A ce propos, je ne sais si c'est pour signifier le lien qui unit le Père au Fils, que ceci est dit, mais pour moi, la ressurection commence dès que l'expiration de Jésus. Et pour moi, le Dieu vivant qui est en Jésus, est à l'oeuvre et d'une certaine manière la ressurection est en Lui et vient aussi de Lui. Tant pis pour le symbole de Nicée...

Qui est enfin ce Dieu Esprit, qui oeuvrait dès le commencement et qui continue à souffler pour que Dieu soit reconnu et que l'humain puisse de dégager de l'animal qui est en lui, pour accéder à son humanité?

Aujourd'hui, il me semble important de reconnaître que ces trois personnes, sont toutes Dieu dans la plénitude, sans qu'il y ait de préséance parce que dire qu'il y a Dieu " Père , Fils et Esprit" cela renvoie à des liens de supérieur et d'inférieur dans notre système de références. le Père Fondateur l'Ancêtre est plus que le Fils surtout si celui-çi se caractérise par l'obéissance. Quand on voit dans le Gloria le peu de place qui est donnée à l'Esprit Saint, on peut se poser des questions. Je me dis actuellement le Père est Dieu, le Fils est Dieu, l'Esprit est Dieu. Peut-être de manière différente, mais comment moi, petit être de chair puis-je me représenter ce qui est irreprrésentable?

On a coutume de dire quand on reçoit le pain et/ou le vin au cours de l'eucharistie que l'on a Jésus en soi. Certes, mais Jésus ne se dissocie pas du Père et de l'Esprit, donc c'est aussi la Trinité qui prend corps en nous. et je dois dire que la perception de ce poids (cette gloire) qui vient en moi, dans le receptacle si fragile que je suis est pour moi source d'une joie intense.

En lisant il y a quelques jours un texte de Paul (je crois les éphésiens), j'ai fait un lapsus de lecture qui m'a aidée à regarder un peu autrement. Au lieu de lire "laissez vous renouveler" j'ai lu "laissez vous remodeler" et j'ai aimé cette lecture; Il m'est alors venu une autre terminologie pour parler un peu la Trinité.

Remplacer Père par Modeleur ou façonneur, car c'est ainsi qu'Il crée, qu'Il crée les mondes et qu'Il crée les vivants quels qu'ils soient. Dieu Modeleur me parle plus que Dieu Père (au sens de fondateur, presque de super patriarche).
Remplacer Fils, par Appeleur ou Passeur, car Il fait passer de la mort à la vie crée ne moi plus de Joie que de me centrer sur la relation d'obéissance amoureuse qui existe entre le père et le Fils. .
Remplacer Esprit par Souffleur ou vivificateur comme dans la liturgie de premiers siècles), lui donne une présence que laquelle je peux m'appuyer et me laisser aller, car il est en action sans pouvoir jamais être saisi, mis en cage.


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mardi, juillet 10, 2007

Un parallèle?

Catherine Lestang

En écoutant aujourd'hui le texte de la Genèse32, 23-35 qui relate le combat entre Jacob et un "être" qui n'est pas nommé et qui ne se nomme pas,et qui se termine par la relative victoire de Jacob qui devient Israël, il m'est venu l'idée de rapprocher cet épisode qui renvoie à une sorte de désir de mort, de celui rapporté par Ex4, 24-26. Dans cet épisode là, on fait la rencontre de Yhwh qui cherche à faire mourir Moïse. celui ci ne trouvant son salut (la vie sauve) que grâce à son épouse qui d'une certaine manière "saigne" leur fils. Quel est ce Dieu étrange qui, la nuit (cela se retrouve dans les deux textes), vient pour se battre avec celui qu'Il a pourtant choisi.

Peut-on rapprocher cela de l'Ange qui demande à Abraham de sacrifier son fils?

Quel est ce Dieu "d'ombre" qui semble ainsi se dévoiler par moments.Est-ce la face cachée de l'humain qui se dévoile et qui est mise à mal? Je veux dire par là que Jacob qui a volé la bénédiction qui revenait à son frère jumeau, qui porte un partronyme lourd de sens, doit peut-être affronter ses démons intérieurs, de même que Moïse, qui a quand même tué un homme et qui est le survivant de nombreux petits males mis à morts par un pharaon.

Ou bien s'agit il d'un aspect de Dieu, celui qui permettra la mort du fils que l'on ne peut entrevoir que lorsque les ténèbres sont là? Passer par la mort pour devenir vivant?

mardi, juillet 03, 2007

"S'adresser à Dieu?"

Catherine Lestang

Comment s'adresser à Dieu?


Depuis longtemps je suis sidérée au sens fort du terme -sidération- par les mots choisis par l'Eglise pour s'adresser à Dieu dans le rituel de l'eucharistie. Mais en général je passe au-delà. Je me demande parfois pourquoi il faut rapeller tant de choses à Dieu qui normalement ne devrait pas avoir ce genre de problèmes!

Mais la semaine dernière la phrase: "nous t'offrons une offrande vivante et sainte" a remis en route ma réflexion. Qu'est ce qu'une offrande vivante? Est ce que ça se met à tressauter, à bouillonner? Dois-je entendre et comprendre que derrière ces "espèces" en quelque sorte inanimées, il y a la vie? Bref, j'ai du mal à me représenter ce que cela signifie. Je veux bien que ce soit un mystère, je veux bien admettre mon incompréhension en espérant que peu à peu du sens viendra, mais aujourdhui le prêtre célébrant a choisi la prière eucharistique n°1. Et là je me suis sentie prise dans un discours qui s'adresse à un monarque de l'ancien régime. Pourtant ce canon (comme on disait autrefois) je le connais bien puisque c'était le rituel d'avant les années 60. Pourquoi s'adresser ainsi à un Dieu qui s'est incarné, qui a pris chair et qui a donné sa vie? Est ce nécessaire de marquer ainsi la distance entre le créateur et la misérable créature qu'est l'être humain?

Quand on s'adresse à un souverain, il y a un vocabulaire à respecter, sinon il ne vous écoutera pas. Cela ,soit.

Mais il y aussi la certitude que du fait de son pouvoir, de sa force, ce monarque peut faire de moi ce qu'il veut (y compris de m'éliminer): je ne suis pas de taille à lutter contre lui et il peut m'écraser (ou me faire écraser).

Alors il est indispensable pour conserver ce qui compte le plus pour moi, à savoir ma vie et celle des miens, premièrement
de le caresser dans le sens du poil (Le reconnaître comme le plus, et moi comme le moins), donc chanter ses louanges et le remercier parce qu'il me laisse la vie sauve (et me donne le moyen d'être vivant) et deuxièmement de de lui faire des cadeaux qui vont lui montrer mon bon vouloir, ma soumission, et qui doivent sortir de l'ordinaire. Le rôle de l'offrande dans les rituels de soumission et d'apaisement est fondamental.

L'offrande d'une certaine manière est un substitut à la vie propre. Si je peux lui offrir une offrande capable de désamorcer sa colère, alors je suis sûre de rester dans la vie.

L'eucharistie est une histoire d'amour. Elle n'est pas une histoire mue par la crainte. Jésus ne donne pas sa vie par peur, mais par amour.

Or le vocabulaire de la messe est pour moi révélateur de la peur, de la crainte et non de l'amour révéle. Et cela me dérange d'autant plus que dans le premier testament la relation entre l'homme et YHWH est une relation étonnamment libre. Je pense à Abraham qui marchande lors de la destruction de Sodome, à Gédéon qui demande "des preuves", à Moïse qui déclare qu'il ne sait pas parler, à Job qui fait un procès à Dieu, aux prophètes qui trouvent leur charge invivable.

L'image de Dieu est bien trop proche de ce que nous les hommes nous imaginons de la toute puissance, car une toute puissance libre du péché nous ne pouvons la concevoir. Le Dieu amoureux annoncé par les prophètes et révélé pleinement par Jésus est il un dieu terrifiant?

L'eucharistie devrait être un chant d'amour, comment lui redonner cette dimension?

dimanche, juin 24, 2007

Vocabulaire encore et toujours.


Catherine Lestang.

Péché.

Remplacer le mot "péché" par le mot "manquement" me convient beaucoup mieux. Mes manquements je peux les reconnaître sans pour autant me sentir "coupable". C'est un fait . Je n'ai pas fait, de même que Simon le pharisien n'a pas fait pour Jésus ce que la femme pécheresse a fait pour Lui.Ce n'est pas mal faire, c'est ne pas avoir fait plus. Reconnaître les manquements, c'est aussi prendre conscience qu'il est possible de faire autrement et que c'est cet autrement qui rend vivant et qui est changement, même si c'est très lent et très progressif.

Mon sang versé pour vous.

Je n'aurais jamais fini de réfléchir sur cette phrase. Mais si je pense à la notion de "libation" où finalement on verse par exemple sur le sol, une partie de la boisson que l'on veut consommer, ce qui est une manière de célébrer l'autre absent (le dieu), il me semble que quand Jésus prononce cette phrase, il dit aussi qu'il va tout verser donc tout donner. Il ne garde rien pour lui, ni son corps, ni son sang et c'est ce don total, où rien n'est gardé mais où tout est donné, qui apporte la vie.

Jean-Baptiste.

Je paraphrase la lecture proposée pour cette fête hier Zaracharie était muet, il avait perdu la voix. Jean lui a été la voix qui annonce la parole et la parole c'est Jésus qui la porte. Nous aujourd'hui nous ne sommes pas paroles, mais nous pouvons à certains moments être la voix.

samedi, juin 16, 2007

Jn5,1-14: Le paralytique de la piscine aux cinq portiques

Catherine Lestang
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Catherine Lestang
Jn 5, 1-14 : le paralytique de Bethzatha »


« Trente-huit ans déjà».

Aujourd’hui, cela fera trente-huit ans que je ne peux plus me servir de mon corps. Trente-huit ans que je suis impotent. Trente-huit ans que je me considère comme puni pour quelque chose que j’ignore, mais qui me colle à la peau, qui paralyse mes os et mes muscles. Je sais bien que je ne suis pas un « bon » juif, très pratiquant, mais il faut bien vivre avec les occupants, il faut bien parfois plier pour vivre.

Dans le livre du deutéronome, Moïse a écrit que au bout de 38 ans, la génération qui s’était détournée de YHWH étant morte, les descendants prirent enfin possession de la terre promise. Les maîtres à penser en Israël disent aussi qu’il faut 40 ans pour « rendre les armes devant le Seigneur »... J’espère au fond de moi qu’au bout de ce temps de désert, de ce temps qui n’en finit pas, cette mise à mort de mon corps cessera enfin. Peut-être que quelque chose changera enfin cette année, peut-être que mes forces refleuriront, peut-être que la sève circulera dans mon corps.

Depuis des années maintenant, je rêve d’être guéri par les eaux de la piscine de Bethzatha. Il faut dire que j’ai tout essayé, et que ces eaux qui bouillonnent lors du passage de l’Ange du Seigneur, sont mon seul espoir de guérison.Je sais bien que je ne suis pas le seul et surtout que ce lieu en dehors de la ville est fréquenté par toutes sortes de gens, qui comme moi quelle que soit leur croyance, sont impurs, mais c’est cela qui me permet de vivre jour après jour.

Chaque matin, quelqu’un de ma famille m’y conduit, chaque soir, quelqu’un vient me reprendre. Et à chaque fois c’est pour eux la même déception : non il n’est pas guéri, alors à quoi bon, combien de temps, cela va t il durer? Mais je suis encore le chef de la famille, alors tant que j’espérerai, ils me transporteront.

Aujourd’hui, c’est comme tous les jours. Je suis sur cette espèce de couche qui me sert de lit, qui sert à me transposter de chez moi à la piscine. Le même brancard que celui qui sert à transporter les morts. Depuis le temps, j’ai ma place sous un des portiques, toujours la même. Et comme tous les jours j’attends que l’eau se mette à bouillonner. Je ne suis pas le seul. Nous sommes si nombreux à espérer être guéri.

Un homme s’est planté devant moi. Je ne l’ai jamais vu. Je sais juste à son vêtement que comme moi, il est juif. Il me demande si je veux être guéri.

Quelle drôle de question. Si je suis là, c’est bien pour ça. Il devrait bien savoir que je ne peux pas me plonger dans l’eau au bon moment. Peut-être qu’il va me proposer de rester avec moi et de faire enfin cela pour moi. C’est ce que je lui fais comprendre en lui disant qu’il n’y a pas d’homme pour me plonger dans l’eau.

Il m’écoute et au lieu de m’approcher du bord de l’eau, ce que j’espérais, il me dit : « Lève toi, prend ton lit et marche ».

Et moi qui dépend des autres depuis 38 ans, moi qui ai tout le temps peur qu’ils ne me fassent tomber, je me suis levé, j’ai attrapé ce lit qui ne me servira plus jamais et je me suis mis à marcher.

Quelle joie de sentir la vie en moi, quelle joie de me mouvoir. J’en avais oublié que c’était Shabbat aujourd’hui et que porter était interdit. Peut-être que le repos en YHWH c’est ressentir en soi la force de la vie, sans l’utiliser. Mais lui, il m’a dit de me lever, de porter ce lit qui m’avait porté depuis tant d’années et de marcher et sa parole a été si forte que moi aussi je peux bien continuer à faire ce qu’il dit.

Sur le chemin qui conduit chez moi, je pensais à la fête que j’allais faire. Et voilà que des pharisiens m’ont interpellé. Ils m’ont dit que je n’avais pas le droit de porter quoique ce soit, que j’étais un pécheur parce que je ne respectais pas le repos de ce jour. Alors je leur ai raconté ce qui m’était arrivé, mais que je ne savais pas quel était le nom de cet homme. Un homme qui guérit et qui ne se plie pas à la Loi, qui peut-il bien être ? Pourquoi a t il disparu dans la foule ? Et pourtant j’aimerai bien le connaître car si quelqu’un doit participer à la fête que je vais donner c’est bien lui. Qui est Il celui là qui guérit « gratuitement » les brebis de la maison d’Israël.?

dimanche, mai 20, 2007

La femme qui perdait du sang: Mc 5,15-25

Catherine Lestang

Marc5,25-35 : La femme qui perdait du sang.

Aujourd’hui, il y a du monde dehors, beaucoup de monde. J’aurais bien aimé aller voir ce qui se passe, mais à cause de ce sang qui sort sans cesse de moi, qui me souille et qui me vide, je n’ose pas. Impure,je suis, impure je reste car aucun de ces hommes qui ont fait des études et qui se disent médecins n’ont pu me guérir. Et ce n’est pas faut d’avoir cherché. J’ai tant cherché, tant payé, que je ne sais plus de quoi demain sera fait et si je ne serai pas obligée de mendier.

Mais dans une foule, je peux passer inaperçue. Qui se souciera d’une femme ? Alors j’ai quitté ma maison. Dehors, c’est un véritable flux humain. Comme il y a beaucoup d’inconnus dans cette foule, j’ai pu demander ce qui se passait. On m’a répondu que Jésus, ce nouveau guérisseur qui vit à Capharnaüm a été appelé par le chef de la synagogue Jaïre. On m’a dit aussi que la fille de ce notable religieux est très malade, qu’elle est en train de se vider de sa jeune vie, un peu comme moi, je me vide de la mienne, et que Jésus a été appelé pour lui imposer les mains et la sauver.

Alors là, j’ai eu la certitude, qui s’il pouvait faire quelque chose pour elle, il pouvait aussi le faire pour moi. Seulement qui suis-je moi ?

La réponse, je la connais que trop bien : je suis une femme impure, je suis comme une intouchable. Comment m’approcher de cet homme ? Comment va-t-il me regarder ? Je ne sais trop quoi faire. Pourtant il est là, pas trop loin de moi.

Si je me fais prendre, peut-être qu’ils me lapideront, mais de toutes les manières vivre comme cela ce n’est pas une vie. Si j’arrive à l’approcher, à le toucher, peut-être que ça me guérira. Alors je vais me faufiler, et puis je verrai bien. Peut-être toucher juste la frange de son manteau, puis me fondre dans la foule. Ce ne devrait pas être trop difficile. Bref, l’approcher sans être vue..

Voilà, c’est fait, et ... Et j’ai senti dans mon ventre une douce chaleur, comme si la vie reprenait. J’ai senti en moi une vie qui m’envahissait et j’ai senti que le mal était parti, j’ai compris que je revivais.

Et c’est juste à ce moment-là qu’il a demandé qui l’avait touché, qu’il avait senti une force sortir de lui. Avant que je ne dise ou fasse quoique ce soit, les hommes qui étaient à côté de lui, ont essayé de lui faire comprendre qu’il y avait plein de monde, qu’il ne fallait pas en s’arrêtant perdre du temps pour aller guérir la petite fille, parce que le temps pressait et qu’on ne fait pas attendre un chef.

J’aurais bien aimé qu’il les écoute, qu’il ait du bon sens, seulement je savais bien que ça ne pouvait pas en rester là. Alors j’ai senti en moi cette nouvelle force, celle qu’il disait avoir senti sortir de lui, qui me poussait à sortir de la foule et à parler. Et j’ai pu dire qui j’étais, et qui j’étais devenue à cause de cette maladie, de ce démon qui était entré en moi. Il m’a juste dit : "va ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix, sois guérie de ton infirmité". Et il a repris son chemin.

Je savais bien que j’étais guérie, mais c’est ce mot de fille qui m’a émue profondément. Je pourrais être sa mère, mais c’est ainsi que les rabbis parlent à leurs disciples, un lien de paternité. Et il m’a fait naître aujourd’hui.

J’ai su qu’il a aussi fait re-naître la fille du chef de la synagogue. Quel est-il celui-là qui commande à la maladie et à la mort ? Je ne sais pas encore qui il est, mais moi aujourd’hui, moi qui étais comme morte, je suis devenue une vivante. Peut-être que mon histoire sera un jour racontée. Moi je serai la femme sans nom, la femme impure qui perd du sang, la femme qui a osé toucher Celui qui un jour dira à une autre femme « ne me touche pas».

mardi, mai 15, 2007

Faut-il demander pardon pour notre faiblesse?

Catherine Lestang
Faiblesse, péché ou péché faiblesse?.


Sommes-nous pécheurs parce que nous sommes faibles ou sommes nous faibles parce que nous sommes pécheurs ? Cette question se pose régulièrement à moi, quand, au début des eucharisties, le célébrant nous invite à demander pardon pour nos péchés et pour notre faiblesse. Que la faiblesse favorise le péché certainement, mais est elle en elle-même péché ?

Aujourd’hui, c’est-à-dire en ce jour où je travaille cette question, je crois que la faiblesse entretient le péché. Le péché étant cette capacité à laisser agir en nous ce qui nous rapproche de l’animal, c’est-à-dire la convoitise, la violence, l’envie. Il s’agit de ce monde instinctuel, pulsionnel qui est en nous et qui souvent s’oppose à notre désir d’aimer. Je crois aussi que si on laisse vivre en soi cette « animalité » l’on s’y enferme et l’on devient littéralement aveugles ou comme le dit le premier testament, on s’endurcit. Vivre en se décentrant de soi, en ne faisant pas de l’autre un objet, mais un sujet, est difficile. Le commandement de Jésus : « aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés » oblige à se décentrer totalement, mais qui en est capable ? Pourtant je crois aussi que l’Esprit qui a été donné permet petit à petit de sortir des ténèbres. Mais si je peux dire cela aujourd’hui, il n’en demeure pas moins que je refuse de considérer la faiblesse comme une sorte de punition du péché des origines (en admettant que ceci a un sens).

L’hypothèse théologique serait que nous sommes devenus faibles à la suite du péché d’Adam (de la faute). Il est certain qu’avoir finalement une représentation de soi comme celle d’un homme fort, puissant (l’Adam des origines) est certainement plus agréable que celle d’un être mortel, fragile, animal. Si nous avons perdu notre splendeur passée, peut-être pourrons-nous la regagner un jour, si nous sommes gentils, comblants, conformes à ce qu’un Dieu est censé attendre de nous. Cette représentation est narcissiquement est plus agréable que d’accepter d’avoir été depuis toujours dans cet état de fragilité, de faiblesse, de dépendance.

Car l’humain est fragile et ses rejetons nécessitent un long temps de maternage pour devenir des participants actifs à la vie du clan, ce qui n’est pas le cas de la plupart des espèces animales appartenant à l’ordre des mammifères.

L’être humain est fragile par nature. Il n’a pas grand-chose pour se défendre, sa peau n’est pas épaisse, il n’a pas de toison, pas de fourrure. Il ne saute pas, court mal, sa vision est très inférieure à celle des félins, même son ossature est fragile. Il suffit de serrer un peu au niveau du cou et la mort est là. Nos capacités « intellectuelles » nous ont permis de trouver des parades à cette fragilité qui n’est pas pour autant synonyme de faiblesse.

Dans le monde animal, il existe des rituels de soumission : le plus faible se reconnaît comme tel et offre sa gorge à celui qui peut effectivement le mettre à mort. Ce rituel désamorce l’agressivité et permet la vie sociale du faible, même si par ailleurs, sa vie est bien difficile (en ce qui concerne l’alimentation et la reproduction par exemple).

Mais dans l’espèce humaine, la faiblesse doit être masquée. Il faut se montrer à la hauteur, être fort, le plus fort si possible. Et la faiblesse est si on regarde bien, à l’origine de la ruse, de la méchanceté, de l’envie, donc du mal d’une certaine manière. Jacob le faible réussit par ruse et provoque la haine de son jumeau ! Nous ne supportons pas faibles, dépendants. Alors parfois il faut aller jusqu’au meurtre pour prouver à l’autre (ou aux autres) que je suis plus fort que lui, ou que j’ai le droit d’exister moi aussi. Pour sortir de cette spirale de violence (le mal subi provoquant le mal commis) que nous connaissons trop bien, l’humain doit petit à petit apprendre à aimer, à mettre un frein à son désir de mainmise sur l’autre.

Dire de quelqu’un qu’il est faible veut souvent dire qu’il est influençable, qu’il peut changer facilement d’opinons, qu’il peut donc commettre des actes répréhensibles. Il n’a pas en lui de ligne « forte » de conduite interne, d’armature qui lui permettrait de résister aux tentations quelles qu’elles soient. Bref c’est quelqu’un qui ne sait pas ou qui ne peut pas résister. Pour être « admiré » il faut être fort, et souvent être presque un surhomme, si on pense à l’éloge de la femme à la fin du livre des proverbes.Pr 31,10-27.

Du fait de cette faiblesse intrinsèque, nous sommes capables du meilleur et du pire, mais faiblesse est-elle synonyme de péché ? Compte tenu de ce que je sais de l’évolution de l’homme dans l’univers, il me semble pouvoir dire que la faiblesse est intrinsèque à sa condition, mais qu’elle est à l’origine de bien des maux, mais que ce n’est pas un état qui nous est tombé dessus, alors que nous étions forts, en punition d’une désobéissance.

Que la faiblesse soit à l’origine de bien des désobéissances, certainement, mais pourquoi faudrait-il (comme le monde ecclésial le fait si souvent) demander systématiquement pardon pour cet état ? Je me reconnais faible, de ce fait je sais que je peux faillir, mais c’est ma constitution qui est ainsi.

Si je prends conscience de cet état, alors deux possibles s’ouvrent. Soit je me replie, je me referme sur moi, car j’en veux à celui qui m’a mis dans ce monde, avec cette tare. Soit je m’ouvre, car connaissant mes limites, je les accepte pour ce qu’elles ont et travaille à les repousser doucement. Et là je rentre dans la créativité qui me permet un peu d’être à la ressemblance de Dieu.

Je ne refuse pas de me regarder avec lucidité. Oui, je suis fragile, incapable de performances ; peu capable d’amour « agapé », mais est cela être pécheur ? Par rapport à ce que l’on nomme la sainteté de Dieu, certainement, et cela peut à un moment donné être même source de souffrance quand on prend connaissance de cette capacité à s’aveugler sur soi-même. Mais la perception de ces incapacités, peut créer alors un désir qui est source de vie, donc de créativité.

Aujourd’hui je dirai le péché est souvent lié à la faiblesse, que la faiblesse l’entretient, mais elle est constitutive de l’humain et elle peut aussi être chemin de vie. Il m’arrive de poser des actes qui ne sont pas bons. Parfois c’est volontaire, parfois ce n’est pas voulu, même si un autre en pâtit. Dans ce cas, je reconnais que ce louper traduit la violence et la convoitise et me rappelle ce que je suis et qui je suis. Je dirai même, me rappelle mon origine car la violence est inscrite dans l’être humain donc en moi, même si cela ne me plait pas. Mais si je peux admettre ma réalité, je refuse du moins aujourd’hui de me sentir coupable de mes échecs, ou du moins de certains d’entre eux. Se reconnaître avec ses limites, ses incapacités, cela donne toujours un coup au narcissisme qui est en soi, mais il est nécessaire de ne pas s’aveugler sur soi.

Je pense aussi que les injonctions parentales de l’enfance sont redoutables et source de culpabilité. En effet, si l’enfant n’est pas à la hauteur des espérances de ses parents, il se sent coupable de ne pas les avoir réparés. Et ceci lui fait croire que la perte de l’amour ou l’abandon, c’est de sa faute. Le rôle de l’enfant est bien souvent de réussir là où le parent croit avoir échoué et de lui renvoyer une bonne image de lui. Mais dans ce rôle, l’enfant réparateur est de fait un « objet » et non un sujet. Il est utilisé par l’adulte pour l’adulte. Or j’espère et je crois que ce n’est pas cela que Dieu attend de l’être humain ! Nous n’avons pas à réparer un Dieu que nous aurions abîmé en nous détournant de lui.
Il y a dans l’évangile ne phrase un peu redoutable : c’est celle qui conclue le discours des béatitudes Mat 5,48: « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ». Et la perfection évoque aussitôt les attributs qui caractérisent Dieu et qui sont toujours dans le superlatif. Il me semble que ce révèle aussi la bonne nouvelle de Jésus, c’est que la perfection n’est pas dans le plus, elle est dans le moins. Quand Dieu se fait être humain, il bascule dans le moins. Il se fait serviteur, il se fait petit, il se fait mortel et la perfection pour moi aujourd’hui, c’est là qu’elle est à chercher. « Le très bas » disait Christian Bobin, parce que d’une certaine manière cette perfection-là, elle est dans mon possible. Elle va avec ma faiblesse, elle s’accorde avec elle. Quand Paul dit « c’est quand je suis faible que je suis fort », il fait lui peut-être allusion à son corps qui n’en plus et qui permet quand même l’annonce de Jésus. Faible nous le sommes, faibles nous le resterons, mais elle permet au divin de se manifester, de transparaître, d’être.

Pour moi, cette faiblesse que je vis au quotidien, elle est ce que je suis, elle est du coup le lieu où mon désir peut aussi advenir et ainsi devenir source de vie pour moi. Reconnaître mes fragilités, ma difficulté à supporter certains comportements, certaines attitudes, m’indique que j’ai un travail à faire pour changer dans la mesure de mon possible. Ce travail, je le remets à l’Esprit de Dieu qui m’a été donné parce que moi seule (ce serait de la toute puissance à l’état pur) je m’en reconnais totalement incapable. Je sais que contrairement à ce qui m’a été inculqué pendant mon enfance, vouloir ce n’est pas pouvoir. Je crois que lui seul peut faire cela en moi, « irriguer et drainer », me faire ainsi devenir plus « humaine », plus décentrée de moi. Je peux reconnaître tout ce qui s’oppose à cette ouverture, à cette dilatation du cœur, et je peux en souffrir. Mais est cela le péché, mon péché ? Ma faiblesse oui, ma lenteur oui, mais volonté de mal faire exprès, rarement.

Un prêtre parlait, il y a peu, de la béatitude des fêlés : heureux sont ceux qui ont des fêlures car la lumière de Dieu passe par là. ».Alors si cette lumière peut passer par là, merci au créateur pour ma fragilité. Et merci à Lui de m’ouvrir les yeux sur ma ou mes faiblesses.

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