samedi, janvier 16, 2010

Gédéon,Jg 6,21 "Alors du rocher monta un feu qui dévora la viande et les pains sans levain"


Gédéon est en train de battre du blé qu’il veut « planquer » pour que l’envahisseur ne le prenne pas. Et tandis qu’il fait cela un homme (l’Ange du Seigneur) qui était sous un arbre et l’observait s’adresse à lui en le nommant « vaillant guerrier », ce qui a pour effet de faire rire Gédéon qui en jeune homme bien élevé ne lui rit pas au visage mais n’en pense pas moins et n’en dit pas moins. Battre du blé n’est pas vraiment un acte héroïque, même s’il s’agit de le soustraire à ces doryphores que sont les madianites.

Puis quelque chose bouge en Gédéon, une confiance naît en lui, mais voilà il a besoin de signe, il a besoin d’être sûr de l’identité de cet homme qui lui est apparu comme ça. Il va chercher des offrandes et voilà ce qui se passe alors.

Jg 6, 20 « Le messager de Dieu lui dit : Prends la viande et les pains sans levain, dépose-les sur ce rocher et répands le jus. Il fit ainsi. 21 Le messager du SEIGNEUR avança l'extrémité du bâton qu'il avait à la main et toucha la viande et les pains sans levain. Alors du rocher monta un feu qui dévora la viande et les pains sans levain.

Essayons de nous représenter la scène. Gédéon a disposé les offrandes sur un rocher que l’on peut supposer être plat, une sorte d’autel en fait. Il a respecté peut-être sans le savoir une des prescriptions donnée sur l'Horeb de ne pas utiliser d’autel en pierre taillée.

L’ange du Seigneur avance le bout de son bâton, et touche les offrandes. La scène on la voit bien. Le bâton est signe de pouvoir; on peut penser au bâton de Moïse qui peut se transformer en serpent, changer les eaux du Nil en sang, fendre la mer rouge. Et nous qui sommes des habitués de la « Guerre des étoiles » nous imaginons que du feu va sortir du bâton et consumer les dons.

Cela irait aussi dans le sens de la manière dont nous sont racontées les guérisons de Jésus quand il y a imposition des mains. Jésus avance la main, touche et la personne est guérie, sauf qu’il n’y a pas de feu parce que ce n’est pas nécessaire. Jésus ne vient pas dans la « toute puissance » mais dans la présence humble. Désormais et c’est pour moi une des choses des plus fondamentales de l’Incarnation, on peut toucher ou être touché par Dieu sans mourir.

Si on reprend en Mc 1, 46 la guérison du lépreux c’est comme cela qu’il s’y prend: il pose la main sur lui, le touche et le lépreux est purifié. Certes on ne voit pas de feu (ni la force qui sort de Jésus), mais on imagine que la puissance de Jésus est comme un feu purificateur, puisqu’il s’agit de purifier, qui ôte la souillure de la lèpre (le visible) mais aussi la souillure du péché (l’invisible).

Mais si on revient au texte du livre des Juges, il se passe quelque chose de très inattendu. Le feu jaillit du rocher (on pourrait dire de l’autel) et embrasse les dons. C’est en quelque sorte le support qui s’enflamme et qui détruit ce qui a été posé sur lui.

Nous qui demandons à Dieu d’accueillir avec bienveillance les dons posés sur l’autel à chaque eucharistie, nous ferions une drôle de tête si cela se passait comme cela (je veux dire si les dons disparaissaient). .

Dieu était il caché dans le rocher, comme d’une certaine manière il était caché dans le rocher du Sinaï ? Ce qui est certain c’est que ce qui se passe là est une théophanie et que cela Gédéon le comprend bien, puisqu’il va nommer ce lieu : Adonaï-Shalom. Ce qui est aussi certain c’est que Gédéon comprend qu’il n’est plus abandonné et que Dieu va se servir de lui pour agir.

Il me semble que le nom donné à cet autel « YHWH est tranquillité » peut faire penser à la force tranquille qui est aussi une des caractéristiques de Dieu mais surtout de Jésus.

Mais il me semble (mais bien entendu cela est personnel) que lorsque Jésus touche quelqu’un, il se passe aussi quelque chose dans la personne, dans tout son être ; je veux dire que quelque chose se réveille, se met à travailler et vient en quelque sorte à la rencontre de Jésus; il y a quelque chose qui était éteint, qui était comme mort chez le malade et qui d’un coup se dresse, s’enflamme, reprend de la vigueur et vient consumer ce qui la rendait malade. La personne qui a mis sa foi en jésus devient acteur de sa guérison.

Quand le lépreux dit à Jésus : "si tu veux tu peux me purifier" la purification est rendue possible par la parole de Jésus et par le geste du toucher, mais ce geste fait que tout l’être du lépreux travaille à cette purification, et le lépreux n’est pas guéri passivement mais activement. Il devient un autre homme et c’est peut être pour cela qu’il ne va pas se montrer aux prêtres. Il a vécu quelque chose de dynamique qui lui a donné la vie. Purifié et vivant, mais vivant de l’Esprit qui est entre le Père et Fils.

Dans une guérison il n’y a pas seulement un malade passif et désarmé et le Fils de l’homme habité par la force de l’Esprit Saint qui va faire chasser le mal. Il y a un homme Jésus qui par la force qui est en Lui va permettre à l’autre de trouver le lui la force de guérir, de se lever et de vivre. N’est ce pas ce qui se passe avec le paralysé de Capharnaüm ?

Si jésus insiste tellement sur la foi qui anime les personnes qui viennent demander la sortie de la maladie c’est que celle ci est le préalable. Il faut croire que la guérison est possible pour qu’elle le soit. Mais n’existe t il pas en nous une force de vie qui si elle est stimulée, boostée par la présence aimante de Jésus pourra se réveiller à « sa voix » et nous redonner la vie, nous rendre acteur ou coauteur de nos guérisons ?

La gloire de Dieu c’est l’homme vivant et ces petites résurrections sont comme une anticipation de la résurrection finale quand « le monde ancien s’en sera allé »Ap 21, 1.



Un additif...

Jésus à sa mort (l'agneau immolé) a été déposé sur un "table" de pierre dans le jardin où il a reposé après avoir été descendu de la croix.

Et le corps déposé sur"cet autel" a disparu. L'offrande a été acceptée. Ce corps là n'existe plus. Il est devenu Autre, le tout Autre.

jeudi, janvier 07, 2010

Résistances



He 12,4 « vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché. »

Peut-être peut-on remplacer péché par mal. Et résister au mal ce n’est pas une mince affaire, même si par son Esprit Saint, Jésus nous a armés pour résister. Mais qui dit résistance dit combat et le tout est de savoir comment combattre.

Quand un pays est conquis par un ennemi, ceux qui résistent à l’oppresseur sont des héros. Les hauts faits de la résistance deviennent des récits qui font la grandeur de ce pays alors même qu’il est affaibli et occupé. Cependant du côté de l’oppresseur il s’agit de rébellion, qui doit être sanctionnée, ce qui veut dire que le jugement porté sur un acte dépend de quel point de vue on se place.

En thérapie, les résistances du patient n’ont pas bonne réputation. Ce qui veut dire que l’on se place systématiquement du point de vue du thérapeute qui se « bat » contre quelque chose qui empêche la guérison de patient et non pas du côté du patient. Les thérapies brèves sont beaucoup plus du côté du patient et proposent une alliance avec lui en utilisant ces résistances. S’appuyer sur ces résistances permet paradoxalement de les faire sauter, car on change le regard que l’on porte et surtout que le patient porte sur elles.

La résistance est cependant classiquement décrite comme quelque chose de mauvais, ce qui peut culpabiliser le patient (qui est déjà coupable de bien des choses).

Finalement ce que l’on trouve dans les écrits, ce sont les moyens trouvés par le thérapeute pour sortir son patient de sa maladie. Les cinq psychanalyses de Freud en sont le prototype.

En d’autres termes, l’analyste (les forces du bien, le Saint Georges des temps modernes) combat les forces du mal qui se déploient chez son patient. Dans le combat contre la ou les résistances il se bat d’une certaine manière aussi contre le patient. Pour que ceci soit supportable il est indispensable qu’il y ait une alliance thérapeutique entre ces deux acteurs. Si cette alliance n’existe pas, la thérapie se solde par un échec.

Ces résistances, on peut les comprendre comme une sorte d’opposition plus ou moins consciente au changement, surtout si l’on reconnaît que le symptôme (origine de la demande de changement) est pour cette personne la manière psychique la plus économique de fonctionner. Quitter ce que l’on connaît n’est jamais facile. Le symptôme est source de souffrance, il fait mal, il est aussi le mal. Il est cette partie de soi que l’on ne contrôle pas, qui agit à votre insu et qui vous oblige à faire des choses que vous ne voulez pas faire et qui finalement vous détruit, mais on le connaît même si c’est lui qui est le maître.

Mais un patient qui ne se laisse pas faire, qui résiste, attaque forcément son thérapeute, en tous les cas son narcissisme, car d’une certaine manière il le rend impuissant. Si le thérapeute est par trop atteint par ce comportement de résistance, il peut mettre en place ce que l’on appelle le transfert négatif et à lui l’analyste de comprendre ce qui se passe pour ne pas se laisser empêtrer dans ce jeu sans fin. Cela parfois peut mener à une fin prématurée de la thérapie, l’analyste ne supportant plus son patient. Et là de mon point de vue, il s’est rejoué quelque chose autour du rejet et de l’abandon et cela est la première source de souffrance qui est en tout être humain. Mais cet échec ne peut que renforcer la culpabilité du patient qui est quand même venu pour ne plus être mangé par elle.

Pour éviter d’en arriver là, il est nécessaire que le thérapeute se fasse aider par un superviseur ou un contrôleur.

Mais il est rare que l’analyste pense que par ce qui semble être un échec, il se passe quelque chose de très important : son patient essaye de lui communiquer quelque chose qu’il est incapable de mettre en mots. J’ai toujours pensé que l’un des rôles du thérapeute est de fonctionner comme un rein artificiel, c’est à dire de laisser passer en lui (en faisant toute fois attention à ses limites) le poison qui empêche son patient de vivre, et de lui redonner par le biais de la parole un sens à ce qui se passe dans la relation. Epurer en quelque sorte, purifier. C’est être « la machine à penser les pensées » comme le dit Bion quand il parle du rôle de la mère dans les premières semaines de la naissance de son enfant.

Je pense aujourd’hui que la résistance peut s’assimiler à la pulsion de mort ou pour des chrétiens au mal. Je veux dire que le travail du psy chrétien n’est pas seulement de permettre de mettre des mots sur ce qui se vit dans la vie du patient, mais aussi de se battre avec lui (et non pas contre lui) pour lutter contre ce mal qui est là, contre ce mal qui refuse de lâcher prise (Jésus ne parle t il pas des 7 démons qui vont venir reprendre la maison qui avait déjà été celle du mal).

Je crois que l’alliance avec le patient, consiste à affronter ce mal, à le lier pour qu’il perde de sa force, et que cette alliance là qui n’a pas forcément besoin d’être dite, est très importante car elle met aussi Jésus le vainqueur du mal en tiers dans la relation. Mais pour cela, il faut faire alliance avec son patient et essayer de se représenter autant que faire se peut la souffrance qui est en lui et essayer avec lui de la vaincre. Il s’agit de comprendre et non pas de détruire.

Le thérapeute sait qu’il a besoin de la présence de l’Esprit Saint pour le guider (quelle que soit sa pratique) qu’il doit demander sa présence pour que le Mal qui se manifeste chez son patient, lâche prise pour être remplacé par la Lumière. J’aime beaucoup cette phrase de prologue de l’évangile de Jean : « et les ténèbres ne l’ont pas retenue ». Le travail du psy c’est de permettre à ce que la lumière qui est là émerge de ce filet de mal qui est présent chez son patient et que petit à petit les nuages, la nuit et les ténèbres se dissipent. Car en tout être humain la lumière est là, mais il faut en quelque sorte enlever les cailloux pour que la source jaillisse.

Si on considère la résistance non pas comme une volonté délibérée (même inconsciente) du patient de ne pas guérir mais comme la mise au jour du Mal qui est en lui, du Mal qui l’habite depuis des années du fait de ce que la vie lui a fait subir, alors le thérapeute devient un combattant et comme tout combattant il prend des risques et il doit apprendre lui aussi à se protéger. Il est indispensable qui lui-même prie pour que la force du Christ vainqueur du mal lui soit comme un bouclier, comme une armure, je dirai même qu’il prenne du temps pour se préparer avant le temps qu’il va passer avec son patient. Je crois que dans les « écoles de guérison » en particulier dans la maison de Lazare, le fait qu’il y ait un groupe de personnes qui prient pour celui qui demande et aussi pour celui qui reçoit, est une bonne chose, car l’aidant est lui-même aidé et étayé par la prière de ses frères.

J’ai toujours étonnée par le fait que le premier pouvoir (et première mission) que Jésus donne à ses disciples est de « chasser les esprits mauvais », et que cela vienne avant les guérisons proprement dites, mais aujourd’hui cette lutte contre le mal est effectivement la priorité, parce que si le mal est lié (et il l’est depuis la résurrection du Christ) alors la Vie peut advenir et le thérapeute n’est finalement quelle que soit sa technique qu’un canal pour que la Puissance du Seigneur de manifeste et ce même si son patient ne le sait pas.

Enfin il me semble que lorsque Dieu a décidé de se servir de quelqu’un il se débrouille pour faire sauter ce qui résiste et il ne fait pas dans la dentelle. Bien entendu je pense à la manière dont Saül a été saisi sur la route de Damas… Cela a du bon d’être Dieu.