jeudi, décembre 12, 2013

Toujours la fraction du pain.

Entre ce texte et le texte précédent, il y a des redites, mais la réflexion en moi continue...

  Ils le reconnurent à la fraction du pain.

Si j’en crois l’excellent travail de Philippe Louveau sur Port Saint Nicolas, http://www.portstnicolas.org/le-chantier-naval/un-peu-d-histoire/article/source-histoire-et-comprehension-de-l-eucharistie, nous pouvons nous estimer heureux d’avoir la liturgie pour la célébration eucharistique que nous avons aujourd’hui, même si pour ma part elle laisse beaucoup désirer. Il semble que dès le Moyen Age, on « assistait » à la messe sans la suivre vraiment, de loin :le célébrant étant dos aux fidèles, l’autel parmi les clercs, les livres étant réservés aux clers et en latin etc. Ce que nous appelons l’élevation serait dû à la demande des fidèles au 17° sicle qui voulaient VOIR cette hostie sur laquelle des mots avaient été prononcés et qui était devenue corps donc présence. La fraction du pain, elle avait disparu depuis longtemps. Or cette fraction du pain si importante dans l’église des commencements «Ac 2,40,: « ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres, à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières . »,  me semble quelque chose de très important. Cette fraction est reportée avant la communion et d’une certaine manière elle est minimisée.

C’est pour moi ce qui ressort par exemple de ce texte : http://radix.ecclesiae.pagesperso-orange.fr/lit.messe.deroulement.html

RS. 73. Dans la célébration de la sainte Messe, la fraction du pain eucharistique commence après l'échange de la paix, pendant que l'on dit l'Agnus Dei; elle est accomplie seulement par le prêtre célébrant, et, si le cas se présente, avec l'aide d'un diacre ou d'un concélébrant, mais jamais d'un laïc. En effet, le geste de la fraction du pain «accompli par le Christ à la dernière Cène et qui, depuis l'âge apostolique, a donné son nom à toute l'action eucharistique, signifie que les multiples fidèles, dans la Communion à l'unique pain de vie, qui est le Christ, mort et ressuscité pour le salut du monde, deviennent un seul corps (1 Co 10, 17)». C'est pourquoi il faut accomplir ce rite avec le plus grand respect. Cependant, sa durée doit être brève. Il est très urgent de corriger l'abus, qui se répand dans certains lieux, de prolonger ce rite sans nécessité, y compris avec l'aide de laïcs, contrairement aux normes, et de lui attribuer une importance exagérée.

Or, que ce soit le soir de la multiplication des pains (où les pains sont partagés, fractionnés), le soir de la Cène, le soir de repas avec les disciples d’Emmaüs, le pain fractionné, partagé,  est pris par tous. Ce pain est là en abondance, et manger ou partager du même, lors d’un repas, fait de nous des frères. La symbolique de ce partage est reprise dans l’évangile de Jean 6 : le pain, le corps, la vie. Il me semble que l’important c’est cette notion « du même », qui crée la communauté  qui crée la fraternité. 

Partager le même pain, boire à la même coupe, cela crée du même, cela crée de la fraternité, et cela crée du corps. La dimension horizontale, voulue par Jésus, est très importante.

Ce sont les autres mots prononcés : ceci est mon corps, ceci est mon sang qui eux donnent la dimension verticale: celle de la  Présence. C’est bien parce que la mort viendra prendre cet homme  sans pour autant le détruire qui nous pouvons célébrer cela et faire cela en « mémoire » de Lui et être dans le Père.

Peut être que si l’on imagine que l’hostie qui est élevée à une heure donnée, dans un lieu donné, unique, puisqu’il y a d’autres hosties qui au même instant sont élevés dans le monde alors on peut considérer l’hostie qui est élevée là, comme un petit morceau du corps  (fraction) qui fait corps avec toutes les autres hosties données à tous les hommes.. C’est un peu une gymnastique intellectuelle, mais elle permet de voir dans l’hostie entière élevée non pas un tout, mais une partie et ce me plait bien

Il me semble aussi que ce que Jésus institue là, est très révolutionnaire par rapport ce qui se faisait dans la première alliance. 

En effet si les sacrifices ont pour fonction première de demander à Dieu de venir parmi son peuple, de le bénir, il n’en demeure pas moins que ce qui est offert lui est soit donné totalement, soit partiellement. Or le soir de cène, tout est donné, tout est distribué, il ne reste rien. Quand Dieu se donne, il se donne totalement, sans retour. Et c’est cela aussi qui fait de nous un corps.

Deux autres choses changent aussi aussi et favorisent le côté communautaire..

   D’une part le lieu car plus n’est besoin d’aller au temple pour offrir un sacrifice, toute maison où des hommes sont réunis par le nom de Jésus fait l’affaire.
  D'autre part, d'une certaine manière le rôle du sacrificateur est mis à mal (même s'il est de règle que ce soit le chef de la communauté qui officie). Et comme je l'ai déjà dit, il n'y a pas une part pour le sacrificateur, mais normalement le pain et le vin sont consommés pas les participants, et c’est cela qui les rend à la fois frères, mais aussi et représentant du Fils sur cette terre. 

Toutes ces bouchées font corps entre elles, toutes ces bouchées font que ceux qui les ont en eux deviennent frères et sœurs, nourris d’un même pain, nourris d’un même amour.

Dans la nouvelle alliance, c’est Dieu qui se donne et qui fait monter l’homme vers lui en le pendant participant de sa vie et c’est une toute autre dynamique et c’est bien cela que l’on peut appeler le Salut. Mais pour cela ait pu advenir et advienne, il a fallu qu’il y ait la brisure du corps sur la croix, brisure de mort, devenue symbole de la Vie.

« Nous  partageons le même pain
Nous buvons à la même coupe
Pour devenir celui qui nous unit,
Le Corps du Christ »
http://www.soissons.catholique.fr/download/1-28831-0/chants-temps-ordinaire-apres-pentecote-2013.pdf

mardi, décembre 10, 2013

"La fraction du pain"

La fraction (ou le partage du pain).

C’est une question qui me tarabuste beaucoup en ce moment, car lors des célébrations le prêtre dit bien: "il prit du pain, le rompit, le donna à ses disciples en disant: Prenez et mangez en tous..." mais la fraction du pain est reportée beaucoup plus loin. Quant au vin il n'est "partagé " que très récemment. Et pourtant ce geste de partage est très utilisé par Jésus. 

On le trouve le soir du partage des 5 pains et du poisson, le soir du dernier repas, le soir et avec les disciples d’Emmaüs, et peut être lors du "petit déjeuner" préparé sur les bords du lac en Jn 21. Or ce geste très utilisé dans la communauté primitive  (voir les actes des apôtres et la lettre de Paul aux Corinthiens) , est comme passé à la trappe lors des célébrations eucharistiques. Et pourtant ce geste me paraît fondamental.

Lors d’une messe récente au Prieuré (où les participants se donnent l'un à l'autre le pain fractionné par le célébrant ) j’entendais derrière moi la phrase classique (mais ici prononcée par un laïc) « le corps du Christ » et je me suis rendue compte (était ce une grâce) que oui, il y a le corps du Sauveur, non pas le corps viande mais le corps de la personne Jésus, le corps vivant. Ce n’est pas la chair d’un agneau qui est renvoie à la mort, mais la présence de quelqu’un. Quand je dis à mon mari que j’aime son corps, cela renvoie bien à tout ce qu’il est, pas à peau, pas à la chair pas aux muscles, non c’est tout lui. Et c’est de cela dont j’ai vraiment pris conscience par la parole prononcée à pleine voix derrière moi. Ce morceau de pain est bien autre chose que du pain, il est quelqu'un, il est vivant.

Ce matin en y repensant encore, je me disais que dans la Génèse, comme dans tout le premier testament ce sont des animaux (la brebis avec da graisse d’Abel), ou des éléments venant de la culture (du chanvre raconte la légende pour Caïn), de la farine, les premiers fruits, etc…donc d’une certaine manière des matériaux bruts, qui sont offerts.

Or Jésus lui prend des produits transformés, et il ne part pas de rien si l’on peut dire. Cela m’a fait penser au début de la Genèse, où le créateur est confronté à quelque chose qui existe : le tohu bohu et de cette matière primitive, il va faire quelque chose. Ce n’est pas une création à partir de rien. Le second récit de la création parle d’une terre qui est déjà là.

Même si cela pose la question d’un préexistant, il n’en demeure pas moins que ce quelque chose semble nécessaire pour que justement quelque chose puisse advenir.

Jésus ne prend pas de la farine, non il prend le produit cuit, travaillé, et ce produit devient à la fois signe de son corps (de sa chair) parce que ce pain est « béni », mis sous le regard du Père, et partage car le fractionnement fait de ceux qui le consomment des frères : manger du même ou manger le même. Ce partage fait à la fois de nous des vivants, mais elle crée aussi du corps: l'assemblée (ekklesia). 

Il en va de même pour le vin, qui remplace le sang  (élément brut si je puis dire), par un produit façonné par le savoir faire humain. Par définition le sang versé c’est la vie (on donne son sang pour que la patrie puisse vivre en cas d’agression, on donne son sang pour d’autres qui en ont besoin, on se fait aussi du mauvais sang quand on est inquiet pour un autre ou pour le futur). Le sang représente l'être humain, il est aussi présence. 

Je pense qu’on ne devrait pas séparer le pain et le vin aussi nettement que cela est fait en général dans la liturgie eucharistique, mais nous sommes héritiers d’une tradition et quand on lit un peu l’histoire de la messe, on peut penser que c’est nettement mieux que ce qui se passait à certaines périodes où les « fidèles » ne comprenaient rien à ce qui se disait, à ce qui se passait.

Et ce qui est aussi important c’est que dans la première alliance, le sacrifice est offert d’abord à Dieu et que ce qui peut en rester est plus ou moins partagé entre l’offrant et les sacrificateurs, alors que là, le partage se fait entre les frères car ce qui est partagé, pardonnez moi l’expression, c’est « du Dieu » et du coup cela fait de nous des êtres en transformation, des êtres transformés. Et cela nous revient complètement. Il n'y a plus une part pour Dieu, une part pour le célébrant, une part pour les participants, non tout est donné, tout nous est donné. 

Il y a certes le fait d’être ensemble, mais il y aussi ce partage du même, qui par ailleurs n’est pas identique pour chacun. Et ce même qui crée du corps, crée aussi un corps qui n’est pas la somme des parties, qui est autre chose, mais cela nous n’avons pas les yeux pour le voir.

Alors je me suis dit que si Dieu a en quelque sorte besoin d’une matière pour faire quelque chose, l’incarnation prend tout son sens. Il a besoin d’un être de chair et de sang, pour que cet être entièrement façonné par lui, puisse devenir sa figure, sa présence ; et si nous voulons nous être signe de la Présence, nous avons à nous laisser façonner comme Dieu l’entend. 

D’une certaine manière Jésus dans le sein de Marie a été déjà façonné par l’Esprit saint pour être à l’image du Père et tout au long de sa vie terrestre cela a continué .


Manger ce pain et boire à cette coupe, cela nous permet aujourd’hui de laisser Dieu en étant en nous de continuer ce travail du façonnage.

mercredi, novembre 13, 2013

Les dix lépreux Luc 17, 11-19

Encore un texte bien connu.

J'ai été frappé par la phrase: l'un deux voyant qu'il était guéri....

Comme si les autres, dans leur obéissance à l'ordre: "allez vous montrer aux prêtres" étaient centrés sur la route, sur le chemin, sur l'ordre et qu'ils avaient comme oublié de "regarder" et "voir" que leur peau était devenue nette. J'imagine cet homme calfeutré dans ses vêtements qui regarde sa main et qui la voit guérie... Et qui comprend ce qui s'est passé.

Bien sûr, point n'est besoin pour lui qui est un samaritain d'aller se montrer aux prêtres de Jérusalem, mais lui il a vu...

Alors je me dis que bien souvent quand nous demandons, il nous arrive ensuite de ne pas regarder, de ne pas voir que nous avons été exaucés parce que nous ne regardons pas où il faut, parce que nous sommes obnubilés par notre manière de voir.

Car Jésus ne leur a pas dit qu'ils sont guéris... Mais là aussi peut être faut il apprendre petit à petit à décoder sous les mots ce qui se passe. Ecouter et voir, voir et écouter et rendre grâces.

La parabole des serviteurs "quelconques" luc 17, 7-10

Nous avons réentendu hier ce qu'on appelle la parabole des serviteurs quelconques (on disait inutile). Le personne qui commentait a insisté sur la notion de quelconque (peut être dans le sens de ne pas se glorifier, ce qui pour moi renvoie à être un parmi d'autres, sans se croire être au dessus ou au dessous d'ailleurs).

Mais en l'écoutant je pensais à la notion de serviteur que nous écoutons avec nos oreilles d'aujourd'hui. Pour moi, un homme qui a  un serviteur, est un homme qui devrait aussi avoir une femme (qui prépare à manger) et le serviteur est là pour les travaux difficiles comme les travaux des champs. Or là il n'en n'est rien. On a un maître unique qui a un serviteur unique. Et de fait ce serviteur qui est une sorte d'homme à tout faire est pour moi beaucoup plus proche d'un disciple.

Je veux dire que le disciple pour moi est celui qui fait tout ce qui est en son possible pour que son maître puisse justement être son maître, être le maître. Et à son contact le disciple peu à peu évolue, change se transforme.

Si on remet cette "parabole" mais je ne pense pas qu'il s'agisse d'une parabole,dans son contexte (le chapitre 17) on peut lire que les apôtres ont demandé à Jésus d'augmenter leur foi, et peut être que s'ils demandent cela ce n'est pas tant pour pouvoir pardonner au frère qui a offensé que parce que cette montée vers Jérusalem leur demande une sacrée foi et que ces attaques des saducéens, des pharisiens, ces déplacements permanents ne sont pas si faciles que cela à vivre.

Etait ce cela qu'ils attendaient en suivant Jésus? Si on repense à ces questionnements pour savoir qui sera le plus grand d'entre eux, qui aura une place de choix dans le royaume, on peut bien comprendre qu'ils sont fatigués, qu'ils voudraient souffler eux qui portent quand même beaucoup de la chaleur de la journée.

C'est peut être cela que Jésus veut faire comprendre. Si nous le choisissons comme maître (ou s'il nous choisit) pour être à son service, de même que lui est sans arrêt sur la brèche pour être au service de son Père, il en est de même pour nous, nous devons faire ce qui est nécessaire pour qu'il puisse être "soigné" comme il le mérite. Cela c'est le travail du serviteur (ou du disciple) et ce dernier n'a pas à en tirer d'orgueil. Il fait ce qu'il a faire et c'est son travail et c'est normal.

mardi, novembre 05, 2013

Zachée, Jéricho. Luc 19, 1-10

La liturgie nous a fait relire le passage de Jésus dans la ville de Jéricho. Il va interpeller Zachée le chef des percepteurs d'impôts pour demeurer chez lui, et il va guérir l'aveugle Bartimée. D'une certaine manière on peut dire qu'il va faire tomber des murailles. Zachée ne devient pas pauvre, mais son regard change; quant à Bartimée lui il sort de son statut de handicapé pour devenir un homme témoin.

J'ai découvert en 1963 la ville de Jéricho. Nous y avons passé l'après midi avant de commencer notre montée à pied vers Jérusalem. Pour moi cette ville, la ville des roses, me renvoie à une sieste dans un jardin, ce qui après la mer morte était un vrai paradis.. Elle me renvoie à la découverte que l'eau qui coule d'un robinet n'est pas une eau fraîche car au mois d'Aout la température est bien élevée, mais l'eau même si elle est chaude est précieuse. J'ai passé dans cette ville un moment de paix et curieusement j'ai découvert le prix d'une vraie sieste.

Ensuite j'ai découvert ce merveilleux désert qui existait à l'époque entre Jéricho et le lieu que l'on appelait l'auberge du bon samaritain. J'ai ensuite découvert que des petits scorpions pouvaient se glisser dans les duvets et qu'il fallait être sur ses gardes. Mais revenons à Jéricho.

Le livre de Josué, qui raconte la conquête du pays de Canaan après la mort de Moïse, a en lui quelque chose d'épique. Josué réédite d'une certaine manière le passage de la mer des joncs puisque le Jourdain se fend et cesse de couler vers la mer morte, c'est à dire qu'il s'ouvre devant le peuple et permet le passage. Puis c'est l'arrivée devant Jéricho. Si l'on se réfère aux passages antérieurs de ce livre, on peut se souvenir que Josué a envoyé des espions qui ont été sauvés par Rahab qui avait une maison dans la muraille qui entoure Jéricho.

 Certes les murailles originaires ont été détruites plusieurs siècles auparavant, certes la population n'est pas très nombreuse, mais il s'agit bien d'une ville qui est là comme un verrou, comme un obstacle et qu'il faut faire sauter. Si Rahab peut être sauvée, on a du mal à imaginer que les murailles se sont toutes effondrées, mais il s'agit de montrer qu'une parole tenue doit être respectée et que quelque chose s'est passé: la puissance de Dieu permet de briser les obstacles.

Jésus, lui, ne va pas s'y prendre de la même manière. Peut être que les deux qui sont là sont un peu des prototypes de ceux que Jésus veut sauver. Pour l'aveugle, c'est peut être plus facile à comprendre car la cécité, qui d'entre nous peut affirmer qu'il n'en souffre pas, mais pour Zachée l'identification est peut être un peu plus difficile. Au fond de nous nous ne nous voulons pas riches de la richesse des autres, nous ne voulons pas être pris pour des profiteurs, et pourtant...

Il y a chez Zachée (comme chez Bartimée) le désir de voir, et cela c'est déjà un moteur, quelque chose qui pousse, qui met en route. L'un comme l'autre n'y arrivent pas à cause de la foule ou à cause de ceux qui veulent les réduire au silence, la foule c'est un peu comme une muraille et là d'une certaine manière l'un comme l'autre trouvent moyen de la détruire, ils ne se laissent pas faire. Peut-on dire que l'Esprit est déjà en oeuvre en eux?

Je ne sais pas si Zachée (lui dont le nom signifie peut être Dieu fait grâce, si on admet que Zachée et Zacharie ont la même origine) en haut de son sycomore s'attendait à être vu, mais c'est pourtant ce qui se passe (même si je me cache dans les hauteurs, tu le sais)...

Ce qui est peut-être amusant c'est de penser que s'il a dû mettre un certain temps pour grimper dans l'arbre, il en descendu vite, peut être même en sautant, car Jésus lui dit: "descend vite car je veux demeurer chez toi" et l'évangéliste note "et vite il descendit", peut être que Marc aurait écrit "et aussitôt".

Bref si Zachée a su vaincre une première muraille, d'autres vont continuer à tomber. Zachée ouvre ses yeux (comme l'aveugle): il regarde les autres autrement. Les pauvres ne sont plus ceux qui ne peuvent pas payer l'impôt, non ils deviennent ceux qui doivent être aidés. Quant aux autres, ils ne sont plus des machines à donner de l'argent (cet argent qui est prélevé par les précepteurs qui sont sous ses ordres), non ils sont des hommes qui ont peut être été injustement pressurisés et il est nécessaire de les entendre et de leur faire justice.

Le regard de Zachée est changé, le regard de Bartimée est ouvert, alors Jésus peut entamer sa montée vers Jérusalem, lui qui va changer le regard des uns sur les autres, qui va permettre de passer de l'indifférence à l'amour. Abattre la muraille de l'indifférence ce n'est pas rien.


lundi, octobre 21, 2013

Jonas "Pas content, mais alors pas content du tout"





Nous avons lu il y a quelque temps pendant les messes de semaine le livre du prophète Jonas. J'ai toujours beaucoup aimé ce petit livre où l'on ordonne un jeûne à tous les humains et à tous  les animaux, mais aussi de faire porter à ces derniers le sac qui exprime la pénitence. Cela devait du bruit dans Ninive. Mais pour en revenir à Jonas, le moins que l'on puisse dire c'est que c'est que c'est un prophète râleur, pas content.

Peut être s'agit du prophète Jonas  cité dans le deuxième livre des Rois(2R14,25) qui alors aurait été un contemporain d'Osée, mais peut être faut il voir dans ce petit livre une conception étonnante d'un Dieu qui pardonne aux oppresseurs et qui ne prend pas plaisir à la mort du pécheur.

Il est  intéressant que ce texte ait été dans le canon des livres hébraïques parce que le Dieu dont il est question là est le Dieu qui veut sauver tous les hommes, même les méchants, ce qui n'est pas l'image classique du Dieu qui ne sauverait que le peuple choisi. Car ce Dieu se définit comme celui qui refuse de détruire ceux qui ne savent pas distinguer leur main droite de leur main gauche, c'est à dire savoir ce qui est bon ou mauvais, qui n'ont pas acquis le discernement. Ce livre est lu dans les synagogues lors de la fête de Yom Kippour.

Je rappelle rapidement l'histoire pour parler ensuite de ce qui m'a interrogée, à savoir Jon 4: "tu as pitié de ce ricin qui ne t'a rien coûté"qui a donc poussé tout seul, qui n'a été l'objet d'aucun soin de la part de Jonas, mais qui quand il est détruit provoque chez Jonas de la peine à mon avis plus pour lui que pour le ricin. Mais il s'agit certainement d'une parabole qu'il va falloir comprendre. N'empêche que Jonas n'est pas content mais pas content du tout. Si on ne peut même plus attendre tranquillement que le péché revienne dans la ville et provoque la mort, alors là non rien ne va plus. Mais je reviens à l'histoire.

Jonas est mandaté par Dieu pour aller à Ninive la grande ville et y lancer un message d'avertissement: "Encore 40 jours et Ninive sera détruite". Ninive  c'est la capitale de l'Assyrie et l'Assyrie c'est l'envahisseur. Imaginez quelqu'un qui se serait pointé à Berlin pensant la seconde guerre mondiale en hurlant "Encore 40 jours et Berlin sera détruite". Imaginez en plus que ce soit un Juif qui fasse ce genre d'annonce, le moins qu'on puisse dire c'est qu'il  ne ferait pas long feu. Aller à Ninive c'est se jeter dans la gueule du lion. Et que Berlin puisse être sauvée ce serait quand même un comble. et que ce soit Dieu qui veuille cela, voila qui dépasse l'entendement.

Alors Jonas ne fait ni une ni deux, il se sauve, le plus loin possible, il veut aller à Tarsis, dans ces iles lointaines où il espère que Dieu ne le remarquera pas. C'est oublier peut être un peu facilement les paroles du psaume 139,9: "si je prends les ailes de l'aurore pour aller au delà des mers, là aussi ta main me conduit, ta droite me saisit". Il embarque et va dormir dans la cale. Là tout au fond, il se croit à l'abri de son Dieu. La dessus la tempête se lève et quelle tempête, et les marins se rendent compte que quelqu'un doit avoir offensé le dieu de la mer pour que celui ci agisse de la sorte. Pour rétablir le calme (calmer ce Dieu) Jonas est "sacrifié" c'est à dire jeté à l'eau par les marins qui sont très ennuyés (tout païens qu'ils soient) de devoir faire ce geste.

Jonas atterrit (si je suis puis dire) dans le ventre d'un monstre marin (un de ces monstres que Dieu crée pour s'en rire) et là il se passe (en tous les cas pour moi) quelque chose de superbe: Jonas chante une prière de louange à ce Dieu qui lui a certes sauvé la vie (car il aurait pu être mis à mort par les marins), il le remercie de l'avoir sauvé de la fosse (alors que c'est lui qui s'est sauvé), et il s'engage à offrir des sacrifices. Quand on lit ce texte, on sent bien qu'il dépasse complètement Jonas et que c'est la prière qui sera prononcée par le peuple revenu de l'exil, du peuple qui a continué à croire dans le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Alors Dieu "entend"les paroles de Jonas,  parle au poisson qui rejette Jonas sur le rivage. Cet exil dans les ténèbres semblent donner naissance à un autre homme, mais coléreux il est coléreux il reste.

Jonas (qui ne doit pas sentir très bon) cette fois obéit et se met en route vers la grande ville. Et là, il délivre son message, et curieusement alors qu'il doit être sûr de se faire écharper, le message est compris par les premiers habitants qui l'entendent et qui le prennent tellement au sérieux(ils mirent leur  foi en Dieu) que cela revient aux oreilles du roi (on pourrait dire à l'Empereur) qui lui aussi écoute, se revêt d'un sac et  ordonne à tous, les hommes et les animaux de se revêtir d'un sac et de crier vers ce Dieu qu'ils ne connaissent pas, mais qui manifestement leur donne la frousse.On peut noter au passage comment le comportement d'un petit nombre peut avoir de l'influence et n'est ce pas justement le travail du peuple élu, le plus petit d'entre les peuples de faire connaître le Dieu unique? Ces Ninivites ont ils conscience de les actes d'invasion et de déportation sont des actes mauvais? Cela n'est pas sûr, mais la peur peut être un motivation. Et si on regarde l'histoire, l'Assyrie sera bien détruite un jour par les perses et les mèdes.

Et Dieu renonce, et là, notre ami Jonas, n'est pas content du tout du tout. Il aurait bien voulu voir la vengeance de son Dieu tomber sur cette ville, et il est privé de son spectacle.

Jonas est presque persécuté par ce qui se passe, il dit comme d'autres prophètes qu'il s'est fatigué pour rien que ce Dieu là il est trop bon et que si c'est comme ça, il préfère mourir car il a l'impression de servir à rien. Il se sent inutile. Déçu et pas content, il se retire en dehors de la ville, à l'Est. La précision à l'est de la ville est surement importante. L'est c'est le soleil levant, c'est là où paraîtra Dieu si jamais il consent à se lever et à détruire.

D'une certaine manière maintenant Jonas est comme en exil. Il se construit une cabane, (cela c'est un peu magique) et va prendre le frais à l'ombre d'un ricin qui pousse là par miracle juste au dessus du toit da la cabane qui ne doit pas être très bien construit. Et là la colère tombe, il est enfin bien. Il pourrait peut être chanter avec Brassens: "Auprès de mon arbre je vivais heureux..."



Seulement Dieu veut lui faire comprendre quelque chose à son prophète et à nous, car Jonas lui a reproché d'être un Dieu trop gentil, un Dieu qui pardonne aux massacreurs, à ceux qui veulent détruire son peuple, le peuple que après tout Dieu s'est choisi.

Quel est ce drôle de Dieu qui veut la vie de ceux qui donnent la mort? Alors Dieu qui veut donner une nouvelle leçon à Jonas (mais aussi à nous) il fait deux choses: il élimine le ricin pendant la nuit, puis il fait se lever un vent chaud du désert. Quand le soleil se lève, le ricin étant complètement flétri ne peut plus protéger la cabane provoque une insolation chez le malheureux Jonas, qui malade  a de bonnes raisons de demander à mort. Et c'est là que la compréhension devient pour moi un peu difficile.

Ce qui déprime Jonas, tel que le texte le rapporte c'est que la mort du ricin- dont il était si content, on pourrait presque dire si fier-, qui provoque sa colère et sa dépression. Il n'est vraiment pas content le Jonas. Mais contre qui est il en colère? Spontanément je dirai contre celui qui a provoqué la mort du ricin. Mais d'après le texte non, car Jonas a"pitié" de l'arbuste, comme s'il trouvait injuste qu'il ait vécu aussi peu de temps. Et cela permet de faire comprendre à Jonas que réclamer la mort du pécheur ne réjouit pas dieu, que celui ci s'attriste de la mort du pécheur qui n'a pas eu le temps de se convertir.

Alors est ce que Dieu veut faire comprendre à Jonas que toutes les créatures, sont capables de faire de bonnes choses comme ce ricin qui donne de l'ombre à Jonas. Mais qu'elles peuvent se dessécher dépérir si elles se fient à leur propre jugement et que le désir de Dieu est qu'elles apprennent à se tourner vers celui qui peut leur apprendre le discernement et que cela c'est aussi le travail de Jonas (et peut-être le notre).

Le texte se finit de manière abrupte, peut-être pour montrer que Jonas est loin d'être convaincu mais que comme Job, il sait qu'il vaut mieux ne pas trop discuter et argumenter avec celui qui a crée le ciel et la terre....

lundi, octobre 14, 2013

A comme Alliance

Dans le livre de la Genèse, l'alliance qui est scellée entre Abraham et Dieu se fait pendant la nuit. Il y a un couloir d'animaux sacrifiés coupés en deux et Dieu passeGn 15 (un peu comme une Pâque: le passage). On peut penser qu'un repas a manifesté ensuite cette première alliance, qui promet une descendance et une terre si Abraham reconnaît Dieu comme le Seul.

Dans le livre de l'Exode au chapitre 24, Moïse immole des animaux, le sang est versé moitié sur l'autel (lieu de la présence) et moitié sur le peuple, et des paroles sont dites, puis un repas scelle cette alliance: Voici le sang de l'Alliance que le Seigneur a conclu avec vous, sur la base de toutes ces parole" Ex 24, 7(nous ferons et nous obéirons Ex 24, 7), puis cela se conclue par un repas pris par Moïse et les 70 anciens, qui contemplent la gloire de Dieu, et qui "mangent et boivent" en sa présence. Et on peut penser que ce repas pris en présence du Très haut a dû être un repas festif.

Si je rappelle cela c'est que nous sommes habitués à regarder le repas de jésus comme quelque chose de triste. Or le repas pascal n'est pas me semble t il un repas triste. Il scelle aussi à sa manière la nouvelle alliance et peut être faudrait il faire de ce temps quelque chose qui soit de la Joie. 

Je viens de lire un commentaire sur l'évangile des (ou du) serviteur inutile, qui m'a beaucoup intéressée. l'auteur, G. Wilkinson, fait remarquer que quand le serviteur a servi son maître, il peut alors lui aussi manger. J'ai toujours imaginé qu'il mangeait alors tout seul sur un coin de table, mais ce n'est pas l'avis  de l'auteur, qui imagine un repas où le maître reste présent.


"Je cite la fin de son texte: " Nous pensons que ce que nous faisons pour le Seigneur suffit à lui faire plaisir, mais il y a tellement plus. Il répond à notre foi, Il se réjouit quand nous nous repentons, Il parle de nous au Père, Il prend plaisir à notre confiance d'enfant. 

Mais je suis convaincu que Son plus grand besoin est d'avoir des moments d'échanges face-à-face avec chacun de ceux qu'Il a laissé ici sur Terre. Aucun ange dans le ciel ne peut satisfaire ce besoin. Jésus veut s'entretenir avec ceux qui sont sur le champ de bataille. 



Où ai-je bien pu trouver cette idée d'un Christ se sentant seul et ayant désespérément besoin de parler ? 


Et bien, regardons le jour de sa résurrection. Deux disciples allaient de Jérusalem à Emmaüs, très attristés au sujet du départ de leur Seigneur. Mais quand Il s'est approché, ils ne l'ont pas reconnu. Il voulait leur parler, Il avait tant à leur dire. “Pendant qu'ils parlaient et discutaient, Jésus s'approcha, et fit route avec eux...Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait” (Luc 24:15,17) 


Il ne pouvait pas y avoir d'expérience plus merveilleuse pour ces disciples (voir verset 32) : “Notre cœur ne brûlait-il pas au dedans de nous, lorsqu'il nous parlait ?” Nous imaginons la joie des disciples, mais qu'en est-il de la joie de Jésus ?


Je vois un Seigneur ressuscité, des larmes coulant sur Ses joues glorifiées, avec un cœur rempli de joie. Il était satisfait, ses besoins ayant été comblés. Je vois Jésus rempli de joie. Il avait accompli Son ministère. Sous sa forme glorifiée, Il avait expérimenté sa première communion à double sens. Il avait déversé Son cœur solitaire et il avait été touché. Son besoin à lui aussi avait été comblé.

Alors n'est il pas possible de penser que ce repas ne peut que combler le coeur de jésus et le mettre dans la Joie? "

Alors au lieu de faire si souvent triste mine en nous centrant sur la mort, peut -être que nous pourrions être dans la joie, faire vraiment "eucharistie" à ce moment de la célébration, car la nouvelle Alliance est en train de prendre corps. Et elle ne prend pas corps dans des commandements ou des préceptes, mais dans l'Amour. 

La nouvelle Alliance ne peut que se  célébrer dans la Joie. 

dimanche, octobre 06, 2013

A propos de Luc 17 "les serviteurs quelconques".

Ne pas péter plus haut que son c...

 Luc 17,5-10. 
Les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! » 
Le Seigneur répondit : « La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : 'Déracine-toi et va te planter dans la mer', et il vous obéirait. 
« Lequel d'entre vous, quand son serviteur vient de labourer ou de garder les bêtes, lui dira à son retour des champs : 'Viens vite à table' ? 
Ne lui dira-t-il pas plutôt : 'Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et que je boive. Ensuite tu pourras manger et boire à ton tour. '
Sera-t-il reconnaissant envers ce serviteur d'avoir exécuté ses ordres ? 
De même vous aussi, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : 'Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n'avons fait que notre devoir. ' » 

Cet épisode m'a toujours paru curieux, car parfois Jésus dit: je ne vous appelle plus serviteurs mais amis (Jn 15,15), d'autres fois il parle du serviteur que le maître trouve en train de veiller et en dit grand bien et lui donne même une récompense (Lc12, 43) et là, c'est une sorte de rappel à l'ordre.

Dans le début du texte, les disciples demandent à Jésus d'augmenter leur foi. Bon jusque là pas de problèmes, après tout, le père de l'enfant épileptique n'a t il pas dit: "Seigneur je crois, mais viens à l'aide de mon manque de foi"Mc9, 24. Mais la question est de savoir pourquoi les disciples demandent cela. La foi ce n'est pas faire des choses impensables mais c'est croire que Jésus est celui qui sauve, ce qui n'est pas pareil. Ce sera la conclusion de ce chapitre 17, qui commence par la difficile question du pardon au frère et qui se termine par la guérison des 10 lépreux qui sont guéris quand ils se mettent en route pour aller voir les prêtres à Jérusalem. Il est possible que pardonner pour les disciples est de l'ordre de l'impossible (aussi difficile que de dire à une arbre de se déraciner) et que du coup ils font cette demande.

Jésus leur dit que s'ils avaient la foi gros comme une graine de moutarde, ils pourraient avoir un pouvoir fantastique: dire à ce gros arbre qui est là devant eux, se déraciner et de se jeter dans la mer. Si l'on réfléchit un peu, c'est conduire l'arbre à la mort, car un arbre ne vit pas dans la mer. Peut-être y a t il un risque à avoir la foi quand on la confond avec le pouvoir ou la puissance. On oublie qui est celui qui vous a donné cette force.

Ceci ce serait dans l'hypothèse où la foi serait un don venant de l'extérieur. Mais la foi c'est aussi en soi, c'est croire qu'on a aussi en soi la force de faire de telles choses. Or cette foi en nous, nous ne l'avons en général pas. Ce que Jésus dit (peut être) c'est que si nous avions confiance en nous, nous trouverions en nous des forces très grandes, mais ces forces peuvent nous détourner de Lui.

Alors peut être que l'histoire des serviteurs est là pour nous dire que si nous avions cette foi là, nous nous prendrions pour des surhommes, alors que le seul qui a le pouvoir c'est le Maître. Nous nous avons à faire ce qui nous est demandé, ne pas chercher (pardon pour l'expression) à ne pas péter plus haut que notre cul et trouver normal de faire ce qui nous est demandé, même si nous sommes fatigués après une journée de travail. S'imaginer que le Maître se mettra à notre service est une erreur. Certes le maître sait notre fatigue, notre lassitude, mais comme Jésus, nous avons à servir.

lundi, septembre 30, 2013

Relecture du pauvre Lazare et du Riche sans nom

Quand Jésus raconte cette histoire, il prend tout le monde à contre sens, puisque d'une certaine manière la notion de "rétribution "existe toujours quand il enseigne. Le riche s'il est riche c'est qu'il est béni de Dieu et que logiquement c'est un juste. Quant à Lazare qu'a t il fait (lui ou son père) pour être dans cet état. Mais le prénom du pauvre n'est pas neutre: car Lazare signifie: "Dieu a secouru".

 Donc on peut bien s'attendre à quelque chose d'étonnant, comme cela arrivera lors de la résurrection de "celui que Jésus aimait" dans l'évangile de Jean.

Par ailleurs si Lazare est recouvert d'ulcères, si on se réfère au livre du Lévitique 13,  il y avait des lois très strictes concernant les maladies de peau. Certes l'ulcère n'est pas la lèpre, mais Job lorsque le malin lui inflige des ulcérations se retrouve bien hors de la ville, sur la cendre. Par certains côtés c'est déjà pas mal que le "riche" n'ait pas fait jeter "l'ulcéreux" en dehors de son domaine qui est une sorte de paradis (on y festoie tous les jours et on est vêtu de vêtements magnifiques).

Si on prend la conclusion de la parabole, on comprend que le riche qui apparemment est un "béni"est mis en terre et de là passe dans les lieux infernaux '(enfer) alors que le pauvre, le méprisé, le pécheur, monte sur les ailes des anges auprès d'Abraham, c'est à dire près de Dieu. Ce pauvre là, il évoque un peu ce qui se passera pour Jésus qui certes sera déposé dans un tombeau mais pas dans la terre et qui sera d'une certaine manière enlevé au ciel (ce qu'il dit à Marie: ne me retiens pas, je ne suis pas encore allé vers mon Père Jn 20, 17. ,

Suffit il d'être pauvre pour aller au paradis, pour y être consolé de sa vie terrestre? Je pense que ce serait un peu simpliste.

Dans un premier temps, je me suis dit que le pauvre avec ses ulcères, est un peu comme une figure de Job, le riche qui a tout perdu. Or Job et c'est cela l'important, jamais ne se détourne de Dieu. Il se met en colère, il pose des questions, mais la relation ne se coupe jamais. Alors peut être que le Lazare dont Jésus nous parle, cet homme dont les chiens lèchent les plaies, a su garder tout le  temps une relation à son créateur, ce qui n'est pas a priori le cas du riche, qui passe à côté de ce pauvre sans le voir (ce qui nous concerne tous plus où moins d'ailleurs). Si le riche est centré sur lui-même, il devient aveugle au monde, aveugle à Dieu, et c'est bien cela le problème. Il me semble aussi que l'on peut faire une sorte de parallèle entre ce pauvre et l'homme dépouillé sur la route de Jérusalem à Jéricho (le bon samaritain): les nantis, les purs passent à côté de lui sans voir sa misère et sa souffrance. or ce pauvre qui est à la grille, bien des invités devaient aussi passer devant lui sans le voir, un peu comme ces pauvres dans le métro ou aux portes de nous églises que nous regardons sans les voir.

 La phrase "il aurait bien voulu manger les miettes qui tombaient sous la table" évoque aussi le fils prodigue: il aurait bien voulu manger les caroubes que mangeaient les porcs, mais on ne les lui donnait pas Lc15,16. Les chiens de la parabole sont plus humains que les humains!

Le riche qui passe sa vie dans les festins, se remplit la panse si j'ose dire. Il ne fait que manger, il est un tube digestif, il ne dit pas merci à Dieu, il ne demande pas, et en cela, il est inhumain si l'on peut dire. Il s'est aveuglé, il s'est assourdit, il s'est coupé du monde et il s'est coupé de Dieu. C'est peut être en cela que l'argent est dangereux, quand il coupe la relation, quand il pervertit le regard.

Alors d'une certaine manière le riche est celui qui est "répugnant", et le pauvre "le sentant bon".

Que Jésus se serve de cette parabole pour faire comprendre qu'il ne faut pas juger sur les apparences, et que l'important c'est d'avoir en soi (écrit dans son coeur) la Loi et les Prophètes, cela parait évident.
Parle-t-Il de Lui en disant que "même un homme revenant de chez les morts ne sera pas entendu"? C'est une possibilité.

Mais ne peut-on pas penser que Jésus sur la croix est comme ce Lazare: couvert de plaies, répugnant, considéré comme un pécheur (Is53). Jésus ( (Dieu sauve) qui a accepté de perdre sa richesse pour devenir au regard du monde un malfaiteur, un malfaisant, un couvert de plaie, un pauvre qui pue...

Seulement lui, il a choisi cette place et du coup nous les sentant pas bons, les pleins de plaies nous pouvons entrer dans le royaume.

Et là, malgré l'apparente dureté de cette parabole (après tout le riche qui veut mettre ses frères à l'abri des tourments montre de l'amour pour eux), il y a bien de la miséricorde dans cette histoire: nous sommes tous des riches, trop centrés sur nous même, mais parce que Jésus est devenu l'un d'entre nous, et a envoyé son Esprit pour nous ouvrir les yeux et le coeur, alors nous aussi nous pourrons comme Lazare "être secourus par Dieu"

jeudi, septembre 26, 2013

Le Mal dehors, le Mal dedans.,

En repensant une fois de plus au texte qui rapporte la guérison de l'enfant possédé par un esprit sourd et muet, (Mc 9, 17-29) je me suis rendue compte que Jésus en chassant le démon muet et sourd qui est dans l'enfant, met le mal dehors.

Si Jésus met le mal dehors, c'est que le mal (même si on suppose qu'il est venu de l'extérieur pour posséder l'enfant et le rendre malade), est bien au dedans.

Cela m' a permis de me rendre compte que je dis la dernière phrase de la prière donnée par Jésus: "délivre nous du mal", j'ai toujours pensé au Mal (au malin, au mauvais) qui rode dans le monde, cherchant qui dévorer, comme à un mal extérieur.

Là, je me dis que ce dont Dieu doit nous libérer, c'est du mal qui est au dedans de nous (le péché) qui nous possède, nous aveugle, nous domine. Et seule sa force à Lui peut nous en libérer.


mercredi, septembre 25, 2013

"La femme pécheresse: Luc 7, 36-49


Luc 7,34-39 " la femme pécheresse"
.

"Un pharisien avait invité Jésus à manger avec lui. Jésus entra chez lui et prit place à table. Survint une femme de la ville, une pécheresse. Elle avait appris que Jésus mangeait chez le pharisien, et elle apportait un vase précieux plein de parfum. Tout en pleurs, elle se tenait derrière lui, à ses pieds, et ses larmes mouillaient les pieds de Jésus. Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et y versait le parfum.
En voyant cela, le pharisien qui avait invité Jésus se dit en lui-même : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est : une pécheresse. »
Jésus prit la parole : « Simon, j'ai quelque chose à te dire. — Parle, Maître. »
Jésus reprit : « Un créancier avait deux débiteurs ; le premier lui devait cinq cents pièces d'argent, l'autre cinquante. Comme ni l'un ni l'autre ne pouvait rembourser, il remit à tous deux leur dette. Lequel des deux l'aimera davantage ? »
Simon répondit : « C'est celui à qui il a remis davantage, il me semble. — Tu as raison », lui dit Jésus.
Il se tourna vers la femme, en disant à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré chez toi, et tu ne m'as pas versé d'eau sur les pieds ; elle, elle les a mouillés de ses larmes et essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as pas embrassé ; elle, depuis son entrée, elle n'a pas cessé d'embrasser mes pieds. Tu ne m'as pas versé de parfum sur la tête ; elle, elle m'a versé un parfum précieux sur les pieds. Je te le dis : si ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, c'est à cause de son grand amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d'amour. »
Puis il s'adressa à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. »
Les invités se dirent : « Qui est cet homme, qui va jusqu'à pardonner les péchés ? »
Jésus dit alors à la femme : « Ta foi t'a sauvée. Va en paix ! "





Si on fait abstraction de tout ce que l’on a pu lire sur cette femme qui verse du parfum contenu dans un vase de prix, sur les pieds de Jésus au cours d’un repas, si on reste dans l’évangile de Luc en essayant d’aborder ce récit comme un texte neuf, la première chose qui frappe, c’est que cette femme, comme la femme qui perdait du sang, n’a pas de nom, mais une étiquette (un qualificatif) et une origine : un lieu lui aussi sans nom : la ville.

Il y a comme cela dans les évangiles un bon nombre de personnages qui ne sont connus que par une épithète : la femme adultère, le paralytique de Capharnaüm, la veuve du temple etc. Cette femme la, porte juste une étiquette : elle est pécheresse et on nous dit qu’elle habite en ville.

Dans la Bible, la ville est souvent un lieu « mauvais » : Ps 55, 10-12 « Car je vois dans la ville la violence et les querelles ; jour et nuit elles en font le tour sur les murailles ; le mal et l'oppression sont en son sein ; en son sein il n'y a que ruine ; la violence et la tromperie ne s'éloignent pas de ses places ». La ville d’où vient cette femme, est certainement une citée porteuse d’un nom grec et dans lesquelles les habitants vivent « librement » sans respecter les préceptes de la Torah. C’est un endroit « sale », impur, impie. Dans le langage biblique c’est un endroit où règne le péché, c’est à dire où Israël se livre à l’idolâtrie et à la prostitution. (Adorer d’autres dieux c’est de la prostitution).

En d’autres termes cette femme ne vit pas comme une « bonne juive », elle est impie, donc impure, donc elle doit être considérée comme une pestiférée et être exclue. Si j’insiste là dessus, c’est que dire que cette femme est une prostituée comme cela est fréquemment traduit, n’est peut être conforme à la réalité, car majore encore plus négativement le terme de pécheresse.

 On peut toute fois dire que en venant chez des purs, des pharisiens, elle va les contaminer, surtout si elle a adopté les mœurs dévoyées des occupants, qu’ils soient grecs ou romains. Essuyer les pieds de Jésus avec ses cheveux indique qu’elle ne porte pas de voile, (signe des femmes mariées dans la bible) et en cela elle n’est pas quelqu’un de bien.

Je pense que si cette dame (pourquoi ne pas l’appeler comme cela) a su où Jésus allait manger ce jour là, et si elle s’y est présenté sans changer sa tenue pour s’adapter aux hôtes de Jésus, et avec ce cadeau : un flacon de parfum, c’est que peut être il s’était  déjà passé quelque chose entre elle et Lui. Cela peut être de la curiosité, mais si ce n’était que cela, il n’y aurait pas justement cette offrande, ce cadeau.

Dans le chapitre qui précède cet événement, il y a eu beaucoup de guérisons, beaucoup d’expulsions d’esprits mauvais, et peut être qu’elle a vu cela ? Mais peut être a t elle entendu ce que nous avons coutume d’appeler les Béatitudes, ces phrases qui chez Luc sont brèves, percutantes.

Peut-être qu’elle a entendu « malheur à vous qui riez maintenant » et que cela fait choc en elle, peut être l’a-t-elle croisé son regard, et ce regard a fait naître quelque chose en elle qu’elle ne connaissait pas et qui la bouleversée ? Cela nous ne le saurons pas, mais au fond de moi j’ai du mal à croire qu’elle s’est décidée comme cela à braver les regards noirs des bien pensant pour se mettre aux pieds de cet homme, pour lui déclarer son amour, parce que c’est bien de cela qu’il s’agit. Cette femme n’est elle pas aussi la fiancée du cantique qui sort de la ville à la recherche de son  bien aimé et qui ne le lâchera plus une fois qu’elle l’aura trouvé ?

Quant au parfum, de quoi s’agit il ? Quand on va voir quelqu’un on n’arrive pas les mains vides et cette femme de la ville, il est sûr qu’elle est bien « élevée » ! Elle arrive avec quelque chose de royal pour celui qui est son Roi. A t elle acheté cela ou est ce un cadeau dont elle ne veut plus ? Est ce le cadeau d’un de ses admirateurs, de ces hommes qui étaient avec elle  et qu’elle ne veut plus porter ? Est sa manière de dire qu’elle rompt avec ce passé ? Je ne sais pas, mais ce que dira Jésus : « parce qu’elle a beaucoup aimé, il lui sera beaucoup pardonné », montre bien qu’il y a là un symbole de l’amour qui se répand ?

Peut être a-t-elle juste pris ce vase contenant ce parfum pour l’offrir et en se mettant aux pieds de Jésus, en se rendant compte qu’il se laisse toucher par elle, et les pieds de cet homme ont besoin d’être entretenus, qu’elle verse ce parfum comme une eau pour laver et à cette eau, se mêlent ses larmes. Pourquoi pas ? 

 Et la voilà qui entre dans cette maison, qui se met aux pieds de Jésus, avec certainement la peur qu’il ne la rejette, et voilà qu’il se laisse faire, il se laisse toucher ; alors les larmes montent, ce ne sont pas forcements des larmes liées à la honte, elles peuvent être des larmes de joie, des larmes de soulagement, car elle se sait aimée vraiment dans sa totalité. Il ne l’a pas repoussée, il la laisse faire, il se laisse faire et elle peut lui montrer la force de l’amour qui est maintenant en elle, un amour qui est tournée vers lui et non plus vers elle. Ce n’est plus elle qui est l’objet de l’amour des autres hommes, mais c’est lui qui accepte d’être aimée par elle et qui lui rend en quelque sorte son honneur. Est ce que cela ne fait pas pleurer de bonheur ?

Et si Jésus prend ensuite sa défense (comme il prendra cette de Marie dans l’Evangile de Jean), c’est bien pour montrer que lui, la voit dans ce qu’elle est et a toujours été: une femme remplie d’amour, qui vient enfin d’en recevoir et qui en est comblée.

La parabole qu’il raconte celle de ces deux hommes qui doivent de l’argent et qui sont libérés de leur dette, parle d’amour : lequel l’en aimera le plus ? Or curieusement  ce mot « aimer » me dérange.. Pour moi, il s’agit plutôt de reconnaissance,  pas d’amour. Maintenant si on se souvient qu’un débiteur peut être jeté en prison lui et sa famille par son créancier en cas de non payement, alors la remise de dette peut s’entendre comme un véritable salut et qui dit salut, dit être délivré d’un danger mortel et là, oui il y a amour pour son sauveur.  

Au geste de la femme dite pécheresse (car elle, elle ne dit rien, elle ne parle pas, elle ne demande rien), répond une parole de Salut : « tes péchés te sont pardonnés ». La phrase est lapidaire, mais ne peut-on pas entendre : « Tu as lavé  mes pieds, maintenant moi aussi je te dis que tu es purifiée, que ton passé ne te colle plus à la peau, comme la poussière ne colle plus à mes pieds, que tu fais partie de ma famille ».

Si Jésus se doit d'ajouter; "Va en paix, ta foi t'a sauvée" c'est certes une phrase qu'il emploie souvent, et qui renvoie à la confiance absolue qui se noue entre lui et une personne dans le besoin, mais c'est sa réponse à la question que se posent les "purs". Il est Jésus  LE Seigneur, le Fils du Père. 

Cette femme est-elle Marie que l’on appelle Madeleine, (Lc 8,1) une de ces femmes guéries par Jésus qui l’aident dans sa mission ? Il est facile de l’imaginer puisque c’est la suite du récit évangélique, mais parfois j’ai envie de voir en cette femme « pécheresse » comme une image de chacun d'entre nous.

Parce que nous nous savons aimés nous pouvons reconnaître ce qui ne va pas en nous, ce qui ne va pas autour de nous, et entendre que nous sommes pardonnés et aller de conversions en conversions. 

Regarder ce qui s’est passé pour elle, permet de ne pas rentrer dans cette logique que je peux comprendre mais qui au fond de moi me dérange qui est : reconnais ton péché, demande pardon, Dieu dans sa miséricorde au lieu de te rejeter te pardonne. Alors ce pardon te permettra de comprendre un peu la taille de son amour pour toi.

Quand j’ai rencontré Dieu (je dis Dieu pour faire simple) sur une route qui menait à Chartres, ce que j’ai ressenti, parce qu’il s’agit quand même de ressenti c’est une immense Paix, celle dont j’avais besoin. Ensuite est venue la Joie et si le lendemain je suis allée voir le prêtre responsable des premières années de fac, ce n’était pas pour m’excuser de n’avoir rien fait durant cette année là, mais pour dire que je voulais faire quelque chose, ce qui est quand même très différent. 


dimanche, septembre 08, 2013

A propos des Vierges prévoyantes et des autres. Matthieu 25.



Cette parabole nous a été proposée la semaine dernière et elle m'a plongée dans des abîmes d'incompréhension..

Il me venait une chanson datant du scoutisme: quand donc serons nous sages, quand donc serons nous sages? Jamais, jamais jamais... La terre nourrit tout (bis) les sages , les sages, la terre nourrit tout, les sages et les fous. Et moi je me suis toujours mise du côté des fous, alors cette parabole elle ne me convient pas très bien.

Il d'agit d'une comparaison: le royaume de dieu est semblable à 10 jeunes filles qui attendent la venue de l'époux, 5 sont prévoyantes, 5 sont étourdies. A qui s'adresse cette comparaison?

Si on remet cette histoire dans l'évangile de Matthieu, on est au chapitre 25 qui va se terminer par la parabole (mais en est--ce une) du jugement dernier, et qui elle-même est précédée par la parabole des talents.

Je me suis beaucoup cassée la tête à réfléchir sur ces jeunes filles qui dorment toutes après avoir fait un bout de la route, mais qui doivent attendre d'autres indications, par la conclusion de ce texte: veillez car vous ne savez ni le jour ni l'heure, qui ne va pas du tout avec l'histoire racontée, à ces jeunes filles qui gardent leur huile pour elles toutes seuls sans partager ni la lumière, ni leur provision et qui sont admises dans la salle des noce. L'huile m'a fait penser aussi au vêtement blanc qui permet d'entrer dans la salle des noces. J'ai eu aussi l'impression que le veilleur qui pousse son cri dans la nuit: "Voici l'époux, sortez à sa rencontre" c'était aussi l'époux. Mais pourquoi cette injustice puisque toutes ont leur lampe.

Et puis en remettant cette parabole dans son contexte, je me suis dit que ce chapitre 25 est d'une certaine manière le dernier de la vie publique puisqu'ensuite on bascule dans les récits de la Pâques, de la passion et de la résurrection.

Jésus d'adresse aux pharisiens (entre autres). Et que leur dit-il à eux qui "possèdent la vérité, la connaissance, le savoir"?

Il leur dit que avoir une lampe (qui est le symbole de la connaissance de la parole de Dieu donnée dans les livres) c'est bien mais que si c'est connaître pour connaître ce n'est pas suffisant. Il est nécessaire d'avoir l'huile (qui fait briller le visage de l'homme comme est brillant le visage de Dieu) l'huile qui nourrit est comme un symbole de l'amour et c'est cela l'important; la connaissance ou mais mais connaissance sans l'amour ça ne sert à rien ( Paul ne dira t il pas cela avec ses mots à lui en 1Cor 15).

Il leur dit qu'avoir la connaissance du livre c'est bien, car c'est ainsi que l'on peut entendre la parabole des talents. Dieu confie à son peuple sa parole, à lui de la faire fructifier. S'il la met en terre, s'il l'enterre,  il ne répond pas à l'attente du maître. La peur (fausse image de Dieu)  bloque, enferme dans des rites ou des rituels qui  privent de toute créativité et qui étouffe l'amour. Car faire fructifier c'est aimer.

Quant à la dernière parabole de ce chapitre, nous l'aimons bien parce que malgré nous nous nous mettons du côté des "bénis" et les bénis sont ceux qui ont laissé l'amour diriger leur vie.

Alors être sage c'est souvent être très fou, parce que aimer c'est être un peu fou, et c'est pour cela qu'il y aura beaucoup plus de fous dans l'au delà que de sages.

Bref je pense avoir enfin pu mettre un peu de sens dans cette parabole, du moins aujourd'hui, car comme l'huile donnée par Eli à la veuve de Sarepta, elle ne s'épuise pas et devrait me permettre un jour après l'autre de trouver quand je frappe. Car l'huile de la provision c'est peut être une représentation de l'Esprit Saint, lui qui sera donné en abondance.

"Etre disciple" Luc

Plus le temps passe et plus je trouve qu'il est difficile de commenter un passage de l'évangile sans regarder ce qu'il y a avant et après.

Là il s'agit de Luc 14, 25-33. Jésus est en train d'aller vers Jérusalem, donc vers sa mort. On nous dit qu'il y a de grandes foules qui le suivent. On sait aussi qu'il vient de dire que le royaume va prendre une direction universelle: ceux pour lesquels le repas avait été préparé n'y prendront pas part. On peut penser que les foules qui entendent cela peuvent se réjouir et si dire que cette ouverture les concerne, d'autant que dans le chapitre suivant il sera question de la miséricorde.

Et pourtant là, le discours semble un peu rude. Que dit Jésus: Il dit qu'il faut réfléchir avant d'agir et que dire que l'on est son  disciple (comme on est disciple des pharisiens ou de Jean) cela ne se fait pas sur un coup de tête, que ce n'est pas donner une étiquette, non ça va bien au-delà. Et il me semble qu'il se donne des prérogatives divines qui ne devaient pas plaire aux pharisiens certainement de plus en plus nombreux à l'approche de Jérusalem.

Alors que dit-Il?

Tout d'abord la phrase "si quelqu'un veut être mon disciple " est prononcée trois fois et la dernière incise "renoncer à tout ce qu'il possède" résume les deux autres phrases: il s'agit de se décentrer, de ne plus être son centre, et passer de l'avoir (ne plus posséder la vie éternelle comme le demande le jeune homme riche) mais être dans la vie éternelle, ce qui est différent. Et pour cela il donne les moyens: le préférer Lui et marcher derrière Lui, avec ce que l'on est, tel que l'on est.

Le premier ordre (si je peux employer ce mot) demande de préférer Jésus à tout autre. Or cela me fait penser à Dt,6, 5: "aimer Dieu de tout son coeur, de tout son être et pardessus toute chose". En d'autres termes Jésus de présente là comme Fils de Dieu et c'est à ce titre là qu'il doit être préféré. Mais il est évident que cette prérogative a dû faire grincer pas mal de dents, car qui est Il celui là pour parler ainsi? Je crois aussi qu'il y a derrière cela une autre approche. Notre amour de nos proches est un amour très charnel, et souvent très possessif (même si nous sommes capables de faire pour eux énormément de choses, de ous sacrifier comme on dit). Or l'amour que Jésus nous demande n'est pas uniquement de cet ordre là: il s'agit de remplacer des liens trop forts par des liens que faute de mieux j'appelle spirituels mais qui sont des liens de souplesse, de douceur, ce qui n'annule pas le lien en tant que tel, mais le fait évoluer.  Quand Paul parle du  charnel (qui renvoie au possessif) et du spirituel (qui renvoie à une relation réelle mais non dans la captation) quand il  parle du vieil homme et de l'homme nouveau, il dit autrement ce que Jésus demande (et ce qui n'est pas facile de réaliser sans l'aide de l'Esprit Saint). En d'autre termes apprendre petit à petit à se décentrer de soi et ne pas oublier que faire quelque chose pour "ces petits qui croient en lui" c'est faire pour lui, ce qui en soi est rassurant. Cela ne veut pas dire annuler les liens, mais les remplacer par d'autres.

Le deuxième ordre est encore plus complexe: "Celui qui ne porte sa croix pour me suivre ne peut pas être mon disciple". Il y a d'autres traductions de ce verset, mais on a toujours beaucoup glosé sur le mot croix. Il me semble que Jésus dit que des croix nous en avons tous, et qu'il nous prend avec nos croix, tels que nous sommes. En d'autres termes pas besoin d'être parfait (pas pêcheur) pour suivre. Mais cette croix c'est la notre et il ne dit pas qu'il va la porter à notre place, de même qu'il ne vous demande pas de porter la sienne.. Et puis porter c'est un acte positif, ce n'est pas subir sa croix ni se laisser écraser par elle. Non jésus nous voit comme des hommes debouts, lucides, et c'est cette lucidité là qui fait que nous choisissons de marcher derrière lui.

Et là aussi ce "marcher derrière lui" renvoie à ce qu'Il est. Le peuple dans le désert marchait derrière Moïse qui lui même suivait la nuée qui indiquait le chemin qui disait là où il fallait s'arrêter, là où il fallait repartir Ex 40,36. Marcher derrière Jésus, c'est suivre Dieu, c'est le faire partie intégrante de sa vie et se laisser diriger par Lui, un jour après l'autre.

Alors finalement ce texte qui semble si difficile, il me semble qu'il est occasion de contempler en cet homme qui sera bientôt mis sur une croix comme un malfaiteur, celui qui est l'image visible du Dieu invisible. Trop insister sur la croix comme cela se fait si souvent c'est oublier qu'il s'agit de "porter" et donc de reconnaître sa faiblesse, puis de se mettre en route, ce que malheureusement un bon nombre de pharisiens trop surs de leurs connaissances ne pouvaient pas faire.

jeudi, septembre 05, 2013

Une histoire de barques

C'est à propos de l'appel de Simon en Luc 5.

VIDE/PLEIN.....

Il y a des hommes qui ont pêché toute le nuit sans rien prendre et qui abandonnent les barques le matin au bord du lac. Elles n'ont servi à rien ces barques. Elles sont vides.

Et voilà Jésus qui arrive et que demande à Simon de monter dans sa barque pour qu'il puisse enseigner (donner la nourriture) à ceux qui le pressent. La barque est vide de poisson mais  pleine de la présence de celui qui se dit "nourriture".

Puis quand d'une certaine manière la parole se tarit, Jésus demande à Simon de lancer ses filets ailleurs, en eau profonde et là, la mer donne ses poissons, elle donne tout...

Simon appelle à l'aide pour relever les filets (importance de ne pas être seul). Il est saisi d'effroi (quel est cet homme qui peut obliger la mer à donner son fruit).

Il revient au rivage, abandonne sa barque, ses filets et les poissons qu'il a sorti du lac.

Ceux qui sont restés sur le rivage, ceux qui ont écouté la parole ont de la nourriture (les poissons en surabondance). Certes Jésus est parti ailleurs, mais ceux qui l'ont entendu ne manquent de rien.



Autrement dit.....

2 barques vides amarrées au bord de la rive.

Une barque près du rivage avec Jésus, Simon, des hommes d'équipage. Une barque remplie de paroles.

Puis une barque  loin du rivage, là où on n'a pas pieds avec Jésus, Pierre et ses hommes. Pierre jette les filets et ceux ci se remplissent comme si on avait donné ordre à la mer de se vider de ses habitants.

2 barques pleines à ras bord...

Une barque qui risque de chavirer quand Pierre se prosterne devant Jésus.

Une barque pleine de poissons sur le rivage avec Jésus et Pierre.
Une autre barque pleine de poissons sur le rivage avec Jacques et Jean,

2 barques vides d'hommes, mais pleines de poisson pour ceux qui sont venus écouter la parole.
2x2 hommes qui laissent leurs poissons pour suivre Jésus.

Une barque pleine de parole, une barque pleine de poissons, une barque d'abondance pour ceux qui ont écouté l'Absent.


mardi, août 27, 2013

Lire, réciter, parler...

Ce billet va être un peu critique envers ceux qui célèbrent la messe et je m'en excuse (enfin disons que je prie ceux qui se sentiront concernés de m'excuser).

Il faut dire que pendant les vacances on voit parfois des manières de célébrer qui me font un peu sauter au plafond (enfin pas grave parce que dans les églises il y a de la place pour de tels sauts). Mais quand on est confronté à un prêtre "chanteur" qui ne se soucie pas du tout de savoir si ce qu'il chante est repris pas l'assemblée, on peut se poser des questions sur ce qui se passe et pour lui, et pour nous qui assistons à son récital.

Alors il me semble qu'il y a trois types de célébrants: ceux qui lisent en se référant sans cesse au texte, sans regarder l'assemblée; ceux qui "récitent" et qui en général sont beaucoup plus présents, mais hélas il est possible de réciter dans être là, et cela nous le savons tous (qui d'entre nous peut dire qu'il est toujours présent quant il récite un "notre Père"); et il y les prêtres qui parlent leur célébration, qui "parlent" leur messe si je puis dire, qui la parlent avec Celui qui est là, avec Celui qu'ils aiment, avec Dieu: qui sont en proximité avec Dieu tout Dieu qu'Il soit.


Il y a quelque temps j'avais remarqué qu'un prêtre allemand, quand il célébrait en français, parlait à Dieu sur un ton très proche, presque trop proche, un peu comme s'il disait: Dieu, fais ceci, Dieu, fais cela, Dieu, écoute moi. Et je me suis alors rendue compte que contrairement au français où le mot Seigneur précède toujours le nom de Dieu ou de Jésus, en allemand on dit Monsieur (Herr), et que finalement c'est un peu comme si on disait "Monsieur Dieu" ou "Monsieur Jésus" ce qui est différent du français. Un peu comme si on disait Monsieur X ou Monsieur Y... Je ne dis pas que le respect n'y est pas, mai la proximité est beaucoup plus grande.

Au Prieuré Saint Benoît, les frères prêtres pour la plupart sont des créatifs, ils utilisent souvent ce qui est dit par les laïcs présents pour le réintroduire dans la prière liturgique, et certains gestes sont simplifiés alors que d'autres sont amplifiés. Par exemple le pain et le vin sont offerts dans un même geste, alors que le pain et le vin circuleront dans l'assemblée de l'un à l'autre.
Ce "parler" la messe, je l'ai ressenti un dimanche à Bourg Saint Maurice.

La messe était célébrée par un ancien évêque  (limite d'âge) redevenu curé de cette paroisse où il avait commencé sa vie sacerdotale. Lui, il parle à l'assemblée, il tient compte de l'actualité, il est capable d'inventer une "oraison" que tout le monde peut comprendre, une oraison où l'on n'implore pas Dieu mais où on lui raconte ce qui va, ce qui ne va pas. Et surtout il ne lit pas, il ne récite pas, non il parle à Dieu avec les mots qui sont les mots liturgiques. Dieu est là, présent, il lui raconte ce que Jésus a fait le soir de ce jeudi où il partagé un repas avec ses amis, il lui parle de ceux qui sont morts, il lui demande de regarder ceux qui sont là. Il parle à Dieu, et cela c'est extraordinaire. Quand il présente, avant la communion, ce petit morceau de pain qui est censé être "l'agneau de Dieu", il dit: "Voici le pain vivant, germe de la vie éternelle", et cela pour moi ça a du sens.


Peut-être faut il être un ancien évêque pour s'autoriser à prendre des libertés par rapport au texte, mais pourquoi les prêtres en général lisent-ils au lieu de regarder l'assemblée, pourquoi ne se font-ils pas confiance, car après tout ces textes ils doivent bien les connaître par coeur. On dirait qu'ils ont peur de se tromper, peur de ne pas être des copies conformes; mais de qui sont ils les copies si ce n'est de Jésus, et Jésus Lui, il en a pris des libertés avec les rituels de son époque.

Je ne sais pas comment on apprend aux futurs prêtres à célébrer, mais plus ils parleront les mots, plus Dieu sera présent, et n'est-ce pas cela l'important pour faire corps et devenir ce que nous recevons, le corps de Jésus?