samedi, février 17, 2018

"Le triple reniement de Pierre" Luc 22, 54-62

Le triple reniement de Pierre. Luc 22, 54-62

Quand on parle de Pierre et de ce qui s'est passé ce jour là ou cette nuit là, on a un peu tendance à lui jeter la pierre (pardon pour le jeu de mots), on parle de trahison, de reniement, mais qui sommes nous pour le juger.

Dans l'évangile de Luc, si on reprend le chapitre 22, celui de l'institution du mémorial, on voit que tout de suite après, les apôtres se chamaillent (une fois de plus) entre eux pour savoir qui est le plus grand. Et c'est juste après que Jésus s'adresse à Pierre et lui annonce que tous vont être tentés (Satan vous a réclamé pour pour vous passer au crible comme le blé, ce qui évoque un peu ce qui s'est passé avec Job dans la cour de Dieu Jb 1). Il leur annonce là qu'ils vont passer par une épreuve (tentation,) mais que lui a prié pour eux, pour que leur foi ne défaille pas, et qu'ensuite Pierre, puisque cela s'adresse à lui, puisse être à même d'affermir ses frères, ce qui est bien le rôle d'un chef et le confirme donc dans sa fonction.

Je pense que cela peut s'entendre comme la nécessité pour Pierre (celui qui se vante de pouvoir aller en prison et à la mort avec son maître) de faire une expérience plus que douloureuse mais formatrice qui lui permettra de devenir la Pierre sur laquelle Jésus pourra bâtir son église.

Par ailleurs, Pierre ne prend pas la fuite, et pourtant si c'est lui qui a coupé l'oreille du serviteur du grand-prêtre (Jn  18,10) si on le reconnaît comme l'auteur de ce coup, il va être en très mauvaise posture lui aussi, il lui a quand même fallu un certain courage pour suivre Jésus. Il est là auprès du feu, il attend, il veut savoir..

Que les choses se gâtent oui. Que par trois fois il affirme ne pas connaître cet homme qui est lié, maltraité à quelques pas de lui, oui, cela il le fait. Mais s'il avait reconnu être un disciple qu'aurait-on fait de lui? Qu'est ce qui serait advenu de la future église si ses deux chefs Jésus et Pierre avaient été mis à mort? Bon, c'est peut-être une pure spéculation, mais cela me conforte dans l'idée qu'il fallait que Pierre fasse l'expérience de sa trouille, de sa faiblesse pour devenir celui qui prendrait la parole devant toute une foule le matin de la Pentecôte.

Alors parfois je pense que pour nous, c'est un bien ce qui s'est passé là pour Pierre, d'autant que le regard que Jésus pose sur lui, comme le regard qu'il a posé sur le jeune homme qui voulait avoir en héritage la vie éternelle, est un regard d'amour. Ce n'est pas un regard de jugement ou de rejet, mais c'est le regard de celui dont le cœur est malade d'amour pour nous et qui voit au delà.

Alors merci à Pierre d'avoir fait cette expérience que nous faisons tous, d'une manière où d'une autre et qui finalement nous rend plus forts, plus capables de comprendre les autres et de laisser le regard amoureux de Jésus se poser sur nous.

Pierre raconte:

"Ils l'ont arrêté; j'ai pourtant essayé le le défendre et même, moi qui ne sais manier que les rames de mon bateau, j'ai  donné un coup d'épée dans le noir à un homme que je ne connaissais pas mais qui voulait mettre la main sur mon Maître. J'ai touché son oreille, et il s'est mis à saigner comme un bœuf; Jésus a posé la main sur lui et a arrêté le saignement, puis on l'a emmené. Qu'est ce que j'en veux à Judas qui a indiqué l'endroit où nous aimons passer du temps avec Jésus. Mais maintenant, ça se passe vraiment comme il nous l'avait annoncé. Il est arrêté et s'il ne se trompe pas, il va être battu, condamné et mis à mort. Et cela me tord le cœur.

J'ai vu qu'ils l'emmenaient dans la cour du grand-prêtre en attendant son procès, parce qu'il va y avoir un procès. J'ai suivi, parce que je veux voir, je veux savoir et je ne veux pas être loin de lui.

Il fait froid ce soir, et j'ai froid dans mon cœur. Il y a un feu et je me suis approché pour me chauffer; le feu, il est en plein milieu de la cour et il y a beaucoup de monde autour. J'espère bien passer inaperçu. C'est vrai que ma présence ici ne doit pas être très normale. Ils se connaissent tous et moi je suis un étranger.

Mais quand les flammes ont éclairé mon visage, une jeune fille qui doit être une servante a affirmé que j'étais avec lui. Et là, ça a été plus fort que moi, j'ai dit que je ne le connaissais pas. Et tout de suite après un homme a dit la même chose; et là encore je n'ai pas pu dire que oui, j'étais son disciple. Le temps a passé, je pensais bien que plus personne ne ferait attention à moi, sauf qu'il y en a eu un qui a affirmé que j'étais un des siens. Là encore j'ai fait comme si je ne comprenais pas ce qu'il me disait. J'ai pris un air stupide, idiot…

Seulement là, parce que le soleil se levait, un coq  a chanté… Et j'ai pensé à ce que Jésus m'avait dit, que je l'aurais renié trois fois avant que le coq ne chante; et en même temps j'ai senti son regard qui se posait sur moi.

Alors là, ça a été trop. Je n'en pouvais plus, j'aurais voulu disparaître; j'aurais voulu aussi sauter dans ses bras pour dire à tout le monde que cet homme là, c'est mon ami, c'est celui qui m'a choisi, c'est celui qui m'aime et qui est en train de donner sa vie pour que nous tous les humains nous soyons des amis de son Père.

J'ai quitté la cour, et moi, un homme, j'ai fait comme la Marie de Magdala, celle qui avait pleuré sur les pieds de mon maître, j'ai pleuré, pleuré, pleuré et cela m'a fait du bien. C'est étonnant, mais c'est un peu comme si j'étais neuf, parce que je savais qu'il m'aimait envers et contre tout, et que ce que je venais de vivre faisait de moi un autre.


La suite, vous la connaissez comme moi; mais ce qui s'est passé cette nuit là a fait de moi un autre homme, un homme avec un vrai cœur; un homme avec un cœur de chair et non un cœur de pierre, et je crois que c'est cela ce que le Seigneur voulait pour moi, pour que je puisse affermir mes frères.

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