mercredi, mai 23, 2018

A propos de l'Evangile de Jean

Pour lire autrement l'Evangile de Jean.

Petite leçon de conjugaison.

J'ai pris récemment l'habitude de travailler certains textes (évangiles) en les copiant dans un fichier word, de manière à pouvoir surligner les mots, les verbes, mais aussi en aussi en séparant les versets en petits paragraphes. Cela me permet de ne pas être submergée par un texte trop rempli de différentes notions, peut-être de me poser un peu, et même de transformer certains paragraphes en une petite demande pour la journée qui va venir.

J'ai pratiqué cela avec les chapitres de l'évangile de Jean qui sont proposés entre Pâques et la Pentecôte. Ayant travaillé en petit groupe la première épitre du disciple bien aimé, je me suis rendue compte que pour comprendre ces chapitres qui précèdent l'arrestation, il est important de ne pas passer sous silence l'hérésie qui était en train de se développer au moment de la rédaction de cet Evangile. Si Jean insiste sur le corporel, (le sang, l'eau, les gestes) - et peut-être que le lavement des pieds peut être entendu aussi comme cela- cela permet de ne jamais oublier que c'est un homme qui a été mis à mort et qui est redevenu vivant, un homme de chair et de sang.

Quand on prend le temps de surligner ce qui peut aider à mieux comprendre (mieux entendre aussi, parce que dans l'évangile de Jean, je pense que nos sens sont très sollicités) Il y a bien sûr le festival des verbes: demeurer, aimer, choisir ou être choisi, croire, préparer; celui des ces mots que nous connaissons si bien, mais qu'il faut décaper encore et encore: vigne, sarment, berger, agneau, chemin, vérité, gloire, joie, gloire, paix, vérité; celui des adjectifs: bouleversé, triste. Mais, et c'est ce que j'ai découvert, il y a aussi les pronoms, les pronoms personnels.

C'est en reprenant les versets 9 et 10 du chapitre 15 (celui sur la vigne) que cette clé m'est apparue. Voici ces deux versets, et en gras ce qui a été important pour moi.

 09 Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour.
Ce qui est intéressant, du point de vue de la construction, c'est que dans le verset 9 on a: Le Père - ici à la troisième personne; Le Fils - à la première personne: je; et Vous (nous les lecteurs, ou nous les disciples.. On a donc l'ordre suivant: Père (Il) / Fils (Je) / Vous (nous).

10 Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour.
 Dans ce verset 10, on trouve pratiquement l'ordre inverse du verset 9; cela commence par le Vous, en fait nous, puis le Fils (on demeure dans son amour) et enfin le Père. On a donc la séquence inverse du verset précédent: Vous (nous)/ Fils (Je) /Père (Il), soit ou Vous/ Il/ Je. 



Cette manière symétrique n'est surement pas anodine. 

Car cela circule en permanence entre le "Je" de Jésus qui parle, le "Il" qui renvoie au Père, le "vous" qui s'adresse aux disciples et cet autre "Il" qui est l'Esprit.

Si on reprend le texte complet du discours de ce chapitre, on a un véritable chemin: pour aller vers le Père, faire comme Jésus, aimer comme il a été aimé et comme il nous a aimé, ce qui permet de demeurer. Bien sûr je n'invente rien, mais me centrer ainsi sur les pronoms m'a permis une lecture plus lente de ces textes qui parfois restent quand même bien difficiles.

Pour résumer, la grammaire pronominale serait: 

Je : c'est Jésus. 
Tu c'est en général le Père (chapitre 17), mais il est parfois aussi Il, quand Jésus nous fait comprendre que le Père peut demeurer en nous.

De ce jeu relationnel, (Je + Tu cela donne le nous) qui renvoie à la connaissance de l'un par l'autre et de l'autre par l'un, va émerger le "Il" de l'Esprit Saint, avec ses deux fonctions: défenseur et consolateur. 

Il, c'est parfois le Père, mais c'est aussi l'Esprit Saint, cet "inconnu", qui prend de ce que Jésus a reçu du Père pour nous le transmettre, sans que rien ne diminue. Certains disent que quand Jean parle de la Gloire, il s'agit de l'Esprit; c'est possible, mais je ne suis pas convaincue. 

Nous, c'est l'union du Père et du Fils.

Vous, cela peut-être les disciples, (aujourd'hui nous), mais aussi ceux qui écoutent, quels qu'ils soient.

Quant au Ils, il s'agit encore de nous, qui avons reconnu…

Ce qui est frappant, c'est que, même si parfois on a l'impression que l'auteur se répète, qu'il y a comme des cercles, que l'on ne comprend pas grand chose, il n'en demeure pas moins que par le jeu de pronoms on se rend compte que si la fusion existe de fait entre Jésus et son Père, il n'y a jamais de confusion des rôles ou des places. C'est peut-être aussi pour cela que la phrase: le père est plus grand que moi est importante et nécessaire, car elle maintient une distinction.

Maintenant, quand Jésus dit au chapitre 17: "12 Quand j’étais avec eux, je les gardais unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte de sorte que l’Écriture soit accomplie" je pense que l'on peut faire référence à Jn 3,16: Si Dieu a tant aimé le monde qu'il lui a donné son Fils alors on peut dire que le nom de Dieu révélé par Jésus est Amour, l'Amour qui unit et qui permet de faire corps. 

Alors pour entrer dans ces chapitres qui suivent le lavement des pieds, mais peut-être aussi ce qu'on appelle le discours sur le pain de vie, peut-être faut il à la fois se pencher sur les pronoms, faire des séparations entre les différentes thématiques - et aller les rechercher tant dans l'évangile que dans la première épitre, sans oublier que ces textes sont écrits dans un contexte polémique et que l'auteur, ou les auteurs, affirment sans relâche que Jésus est vraiment un homme, mort pour de vrai sur la croix, et aussi le dépositaire de l'Esprit, et celui qui est le chemin, la vérité et la vie. 

Alors bonne lecture… 

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